mardi, 11 avril 2023
Les opérations spéciales et leur impact sur la géopolitique future - Entretien avec Robert Steuckers
Les opérations spéciales et leur impact sur la géopolitique future
Entretien avec Robert Steuckers
Propos recueillis par Anna Tcherkassova pour ukraina.ru (avril 2023)
Comment les opérations spéciales ont-elles modifié l'équilibre mondial des pouvoirs?
Les géopolitologues définissent l’Ukraine comme une « région-portail » (« gateway region »). Elle est un sas par lequel devraient logiquement, pacifiquement, transiter biens matériels et culturels entre les grands pôles de civilisation. Elle constitue par ailleurs une portion importante sur la route qui part de l’Atlantique, de Lisbonne et de Cadix, vers la Volga et la Caspienne et, au-delà, vers le Kazakhstan et la Chine. La Crimée a fait partie, dans l’antiquité, de la civilisation grecque centrée sur la Mer Egée ; elle a abrité les comptoirs italiens qui commerçaient avec le reste de l’Eurasie ; Catherine II a voulu en faire le réceptacle d’une civilisation nouvelle, helléno-germano-slave. Pour la Russie, la Mer d’Azov constitue l’ouverture aux mers chaudes, le retour vers les horizons méditerranéens (grecs et égyptiens) et l’accès de l’hinterland russe des bassins du Don et de la Volga à la région pontique, ouverte aux orbes plus écouméniques du Sud et de l’Ouest. L’ensemble formé par l’Ukraine, la Crimée, le Kouban et le littoral de Novorossisk à Soukhoumi en Abkhazie aurait pu devenir la plaque tournante d’échanges fructueux entre toutes les composantes civilisationnelles voisines : espace de la civilisation russe, espace danubien (au départ de la Roumanie et de la Bulgarie), espace caucasien, monde turc-anatolien, espace de peuplement kurde, pays riverains de la Caspienne, littoral caspien de l’Iran.
Les échanges entre ces pôles d’une grande richesse culturelle, en lisière de ce que les géopolitologues et les stratégistes anglo-saxons nomment le « Heartland » ont été délibérément sabotés par les pseudo-élites occidentales, au détriment de l’intérêt de tous les peuples d’Europe et d’Asie.
Lors d’un séminaire récent, tenu dans les Ardennes belges, j’ai eu l’occasion de souligner que l’objectif des thalassocraties de l’anglosphère est de ne permettre aucune convergence de cette nature en lisière du « Heartland » (russe en l’occurrence). Les « rimlands », avec littoraux sur les mers chaudes, ne peuvent avoir de liens étroits avec le « Heartland », qui recèle des matières premières indispensables, tout comme, au-delà de la Tauride (Crimée) antique, l’arrière-pays fournissait blé et bois à la civilisation grecque. Ce refus tenace de voir s’installer durablement des synergies entre « Heartland » et « Rimlands » sans intervention impérialiste émanant d’une périphérie insulaire comme la Grande-Bretagne impériale au 19ème siècle ou comme l’ « Ile du monde » que sont les Etats-Unis bi-océaniques.
Les thalassocraties se sont établies, en réclamant, dès le 17ème siècle, la « liberté des mers », c’est-à-dire la liberté de circuler sur les océans et de maintenir libres de toute intervention les communications maritimes. La réponse à cela ne doit pas être un refus ou un rejet de la liberté des mers mais prendre la forme d’une revendication équivalente sur les terres : la liberté des peuples, dans un esprit multipolaire, d’organiser à leur guise la « liberté des terres », soit la liberté d’organiser les communications terrestres par tous moyens possibles : chemins de fer, canaux, navigation fluviale, etc.
En effet, la nouvelle guerre hybride, qui a commencé dès le Maïdan de Kiev en 2014 (avec le précédent de 2004) et qui a culminé avec l’opération militaire spéciale de février 2022, vise à bloquer les communications terrestres, à en ralentir la promotion, à ériger des murs et des barrières dans les endroits les plus stratégiques, notamment dans les « régions-portails ».
Pour n’évoquer que les régions périphériques de la Russie, je ne citerai que l’Arctique et le Corridor Economique de Transport Nord-Sud (de l’Inde à l’Iran et de celui-ci, via la Caspienne, à la Volga, la Mer Blanche et l’Arctique).
L’Arctique, vu d’Europe occidentale, et surtout depuis la Belgique et les Pays-Bas (les ports d’Anvers-Zeebrugge et Rotterdam), fait partie d’un écoumène comprenant la Mer du Nord, la Baltique, la Mer Blanche et l’Arctique. C’est généralement perçu comme un espace qui fut « hanséatique ». Les marins de nos pays ont toujours tenu à commercer avec Novgorod d’abord, avec la « Moscovie » ensuite, au départ des ports arctiques. L’Ukraine sert de prétexte au Deep State de l’anglosphère pour contrôler complètement ces régions : en effet, les demandes d’adhésion de la Suède et de la Finlande (dirigée par une dame appartenant à la catégorie des « Young Global Leaders ») font de la Baltique une Méditerranée septentrionale sous la tutelle totale de Washington. Plus aucun Etat neutre n’est riverain de la Baltique. Et, l’Allemagne mise à part, la Pologne, volontairement inféodée aux Etats-Unis, constitue l’Etat riverain le plus peuplé et désormais le plus militarisé de cette mer intérieure du sous-continent européen.
Le sabotage des gazoducs germano-russes Nord Stream 1 & 2 plonge l’Etat le plus industrialisé du centre de l’Europe dans la récession économique, avec pour corollaire, la proclamation, par Biden, de l’IRA (Inflation Reduction Act), qui permet aux grandes entreprises européennes (et surtout allemandes) de migrer vers les Etats-Unis où le prix de l’énergie est maintenu à la baisse. Volkswagen a déjà entrepris sa migration vers les Etats-Unis : avec la gestion chaotique de l’immigration en Allemagne depuis 2015 sous Merkel, avec la récession sociale et les salaires insignifiants imposés par le système Hartz IV, le centre dynamique de l’Europe va imploser. Ce qui fut toujours un but de guerre de l’anglosphère.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont acheminé du matériel militaire vers l’Union Soviétique envahie par voie maritime nord-atlantique en direction de Mourmansk et d’Archangelsk. De là, ce matériel était envoyé au front par les canaux partant de la Mer Blanche vers les lacs Onega et Ladoga puis vers l’intérieur des terres russes et vers la Volga. Ensuite, d’autres matériels, provenant des Indes britanniques transitaient par l’Océan indien, le chemin de fer transiranien, la Caspienne et la Volga. La victoire soviétique à Stalingrad a permis de maintenir intactes ces deux voies de communication. Aujourd’hui, le transit Arctique/Océan Indien demeure une nécessité pour un monde en paix. Le projet de le réanimer et de le consolider existe : c’est l’INSTC (International North-South Transport Corridor). Les troubles potentiels à fomenter dans le Caucase ou les tentatives de déstabiliser l’Iran (par une variante des révolutions de couleur) participent du sabotage général des projets multipolaires d’assurer la « liberté des terres ». L’otanisation de la Baltique et le sabotage des gazoducs font partie du même projet que le blocage de la « région-portail » ukrainienne. La volonté d’avancer les bases de l’OTAN dans le Donbass, vise à menacer la région de l’embouchure du Don, lié à la Volga par le Canal Lénine, donc à la Caspienne et au tracé de l’INSTC.
En 2011, les autorités belges et celles gérant le port d’Anvers, voulaient relier la ville portuaire flamande à la Chine. L’entreprise suisse HUPAC de construction de lignes ferroviaires était partie prenante dans le projet. Des négociations ont eu lieu à haut niveau entre Belges et Chinois, avec l’implication des autorités allemandes, russes et ukrainiennes. L’Ukraine devait, dans ce projet eurasien, jouer pleinement son rôle de « région-portail ». L’avantage pour nous était de réduire le temps de transport de moitié par rapport aux communications maritimes et de se projeter vers deux régions du monde : l’Afrique occidentale et l’Amérique ibérique. Comme Bruges au temps de la Hanse, nous aurions été la plaque tournante entre le commerce eurasien (déjà pratiqué par les Vikings, fondateurs de la ville) et le commerce avec la péninsule ibérique et l’Afrique du Nord. Ma position est de travailler à restaurer de tels projets, contre les saboteurs qui sont forcément des traitres à notre destin historique inscrit dans la géographie (à lire : http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2011/05/13/quand-les-belges-partent-a-la-conquete-de-la-chine.html ).
Pourquoi Bruxelles soutient-elle la politique de Biden en Ukraine si la quasi-totalité de l'Europe a déjà siphonné toutes les armes à envoyer aux Forces armées ukrainiennes (AFU) ?
L’eurocratie basée à Bruxelles et à Strasbourg est totalement inféodée à Washington. Depuis la timide ébauche d’un Axe Paris-Berlin-Moscou entre Chirac, Schröder et Poutine lors de l’attaque anglo-américaine contre l’Irak en 2003, les services américains se sont efforcés avec succès de remplacer les élites traditionnelles européennes et les diplomates de l’école réaliste par des personnages, généralement amusants comme Sarkozy, qui ont fait la politique des Etats-Unis. En effet, dès que Chirac a disparu de l’horizon politique français, Sarkozy s’est empressé de ramener son pays dans le giron de l’OTAN. Aujourd’hui, Macron est un homme issu des rangs des Young Global Leaders, attaché à l’agence McKinsey : il ne peut faire qu’une politique pro-américaine, en Ukraine comme ailleurs, en se débarrassant de tous les résidus de la diplomatie gaullienne qui survivaient encore vaille que vaille du temps de Chirac. En Allemagne, Schröder a été mis sur une voie de garage et sa participation à la réalisation de Nord Stream a fait qu’il a été victime d’une cabale au sein de son propre parti socialiste. Ce sont en effet les Verts qui sont désormais le fer de lance des Américains en Allemagne. Déjà Joschka Fischer avait prêché la guerre contre la Yougoslavie quand il était ministre des affaires étrangères. Annalena Baerbock, bien que membre du parti des Verts et donc théoriquement de « gauche », infléchit la politique étrangère de l’Allemagne vers celle des néoconservateurs américains autour de Nuland, Kagan et Wolfowitz. Les services américains disposent de personnages dans tous les milieux : les avatars des « nouveaux philosophes » avec Bernard-Henri Lévy en France, les anciens gauchistes avec Daniel Cohn-Bendit en France et en Allemagne, des néolibéraux délirants comme Guy Verhofstadt (qui a signé un livre avec Cohn-Bendit), les macronistes antigaulliens, des sociaux-démocrates à la Sanna Marin en Finlande (la fille est, comme Macron, une Young Global Leader, dont on ne perçoit pas très bien les compétences), les Verts allemands (chez qui tous les éléments neutraliste et pacifistes ont été éliminés) ou d’anciens néofascistes comme Giorgia Meloni (qui a renié ses promesses électorales et qui a fait une politique néoconservatrice dès son accession au pouvoir). On voit poindre à l’horizon de nouveaux candidats à de tels aggiornamenti dans les cercles de gauche comme de droite depuis le déclenchement de l’Opération militaire spéciale.
Pour moi, l’affaiblissement des armées européennes est voulu : pour le Deep State américain, aucune armée moderne efficace ne peut survivre en dehors de l’US Army ; l’hémorragie du matériel militaire des Etats européens membres de l’OTAN, au profit de l’Ukraine de Zelensky, aura tout simplement pour résultat que, pour remplir à nouveaux les arsenaux, les Etats membres de l’OTAN, surtout ceux qui sont appelés à former l’Intermarium rêvé par les Polonais, devront acheter du matériel américain. Déjà, une dépêche est tombée ce matin : les Estoniens ont livré leurs matériels anciens aux Ukrainiens mais ont facturé au plein prix l’achat de nouveaux matériels à l’Europe de Bruxelles ! La corruption bénéficie de la situation !
L’objectif d’affaiblir les arsenaux européens ne date pas d’hier : les « ventes du siècle » dans les années 1970, quand les Américains ont livré aux pays du Benelux et de la Scandinavie les fameux F-16, c’était au détriment de l’aéronautique française (Bloch-Dassault) et suédoise (SAAB). L’opération s’est répétée très récemment avec le F-35.
Selon nos informations, une grande partie des pays européens connaissent de graves difficultés économiques et financières à cause des politiques pro-américaines. Y a-t-il une prise de conscience en Europe que c'est la faute des États-Unis et non de la Russie et de Poutine ?
Les difficultés économiques sont évidentes dès le moment où des sanctions frappent le premier fournisseur d’énergie des pays européens, entraînant une augmentation vertigineuse du prix de l’énergie. Le sabotage des gazoducs de la Baltique vise évidemment à pérenniser cette situation. Délibérément, les forces occidentalo-atlantistes cherchent à ruiner l’Europe et à contenir la Russie (tout en grignotant son territoire sur des franges hautement stratégiques). Que les Russes sachent bien que l’Europe, en ses dynamiques profondes, en son idéologie parfois traditionnelle parfois socialiste, n’est pas l’Occident, mixte de déviances religieuses puritaines, d’idéologie whig (rationalisation apparente de ces déviances protestantes) et d’hystérie jacobine sur le mode français : ce sont les tenants de ces délires religieux et libéraux qui ont déclaré la guerre aux puissances qui souhaitent l’avènement d’un monde multipolaire. Aujourd’hui, ces déviances ont pour nom et pour avatar le wokisme des dems américains, le néolibéralisme outrancier à la Macron, le néoconservatisme de Nuland et Kagan et les délires des Verts allemands (rejeté à 85% par la population berlinoise suite à un sondage très récent). Cette situation ne convient à personne dans le Vieux Monde, eurasien et méditerranéen. La vie quotidienne, qui avait déjà été pourrie par les mesures de confinement en 2020, connait un recul inquiétant en qualité : les prix des denrées alimentaires ne cessent d’augmenter, en même temps que le prix de l’énergie et du carburant pour les véhicules. Les entreprises ferment, incapables de payer les notes de gaz et d’électricité. Le chauffage est diminué dans les cafés et restaurants, où les pauvres viennent chercher une chaleur qu’ils ne peuvent plus se payer à domicile. Le libéralisme occidental se voulait « société d’abondance » et non de pénurie. C’est exactement l’inverse qui se produit aujourd’hui dans nos pays.
Cependant, la propagande, massive dans les médias publics et privés, camoufle cette situation en occultant le réel et en parlant sans cesse de non-événements, tel les entretiens qu’accorde une ministre de Macron à la revue Playboy, telle la généralisation de l’usage de trottinettes dans les grandes villes ou la nécessité de manger des insectes. Les masses sont déboussolées et seuls quelques lucides se rendent compte que la situation ira en se dégradant au fil du temps. Les sanctions ont et auront un effet désastreux.
Qui, selon vous, est le plus intéressé par une résolution pacifique du conflit ukrainien ? La Russie, les États-Unis, l'Ukraine, l'Union européenne ? Pourquoi ?
Les pays intéressés par une solution pacifique sont évidemment ceux qui ont intérêt à ce que les voies de communication terrestres tel le projet « Belt & Road » chinois, l’INSTC prévu par l’Inde, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Russie, les Etats qui pourraient bénéficier d’un élargissement de la voie maritime arctique, tous les Etats européens qui bénéficiaient du gaz russe bon marché, etc. Il est évident que les peuples d’Ukraine, sans exception, auraient intérêt à ce que cesse cette guerre et que leur pays trouve son rôle de « gateway region », de pays de transit entre l’Europe et l’Asie profonde, entre la Scandinavie et la Méditerranée. L’Europe réelle, débarrassée de son personnel eurocratique, serait également bénéficiaire d’une paix durable en cette région du monde. L’Afrique (et l’Egypte) et la Turquie verraient leurs approvisionnements en maïs et en blé garantis sur le long terme.
Les Britanniques savent-ils pourquoi la Russie se bat en Ukraine ? Comprennent-ils que la guerre dure depuis 2014, que le non-respect par l'Ukraine des accords de Minsk et le soutien des principaux pays occidentaux à l'Ukraine pour qu'elle s'y conforme ont conduit à ce conflit ?
La stratégie de l’endiguement de la Russie est une vieille stratégie britannique, pensée dès la conquête de la Crimée par les armées de Catherine II. Elle se concrétisera lors de la guerre de Crimée de 1853 à 1856. La Crimée aux mains des Russes était un casus belli pour l’impérialisme britannique du 19ème siècle. Il l’est aujourd’hui pour l’Etat profond américain qui a repris toutes ces stratégies thalassocratiques à son compte et les a incluses dans les visions bellicistes néoconservatrices. La guerre de Crimée a été perdue pour les Russes parce que l’acheminement de troupes par voies terrestres était trop lent et trop compliqué : l’envoi de troupes par mer était plus rapide. La construction du Transsibérien rendait les opérations logistiques plus aisées : du coup, immédiatement après la mise en service de cette voie ferrée transeurasienne, le géographe MacKinder énonce sa théorie du Heartland inaccessible aux blocus navals et qu’il faut contenir aussi loin possible des littoraux atlantiques, indiens et pacifiques. Quelques années plus tard, Homer Lea, géopolitologue et stratège américain, partisan de l’alliance définitive entre l’Empire britannique et les Etats-Unis, met au point, dans son livre The Day of the Saxons, les plans du « containment », stipulant notamment que la zone d’influence russe ne peut pas dépasser la ligne Téhéran/Kaboul ; pour Lea, la Chine républicaine de Sun Ya Tsen devait être une partie du Rimland contrôlé par les « Saxons » et l’Allemagne devait être tenue éloignée des littoraux de la Mer du Nord (la poussant paradoxalement dans une alliance avec la Russie à la veille de la première guerre mondiale !). Ce sont toujours les théories de MacKinder et de Lea qui animent, en leurs versions modernisées par Spykman notamment, les stratégies de l’OTAN. Celles-ci s’appliquent à la Russie quel que soit le régime politique qui la gouverne. En ce sens, on peut parler d’une continuité de l’histoire russe.
Quant à savoir si les Britanniques de base, si l’homme de la rue dans les villes et les campagnes anglaises, se rendent compte ou non des enjeux de la guerre actuelle en Ukraine, je ne peux pas vous répondre : je ne suis plus allé à Londres depuis 2008 (et je n’y suis alors resté qu’un seul jour !). Cependant, il faut tout de même souligner la crise que traverse la Grande-Bretagne aujourd’hui, avec le risque de sécession de l’Ecosse, avec les effets quasi nuls du Brexit, avec une société gangrénée par le wokisme et la cancel culture (qui s’attaque aux meilleures productions de la culture et de la littérature anglaises), par un tissu social détruit par le thatchérisme et ses avatars ultérieurs, etc. Il n’y a certainement plus de modèle anglais à exporter.
Je vous rappelle tout de même que Merkel elle-même a avoué publiquement que personne, parmi les dirigeants occidentaux et parmi les Européens occidentalisés, n’avait l’intention de respecter les accords de Minsk, alors que ceux-ci prévoyaient la fédéralisation de l’Ukraine et son statut de neutralité, comparable à celui de la Finlande après la seconde guerre mondiale. Or les modalités prévues lors de ces accords de Minsk auraient préservé le statut de « gateway region » de l’Ukraine au bénéfice de tous, aurait permis au complexe hydrographique Mer d’Azov/Don/Volga de fonctionner dans tous les sens, une fois de plus au bénéfice de tous. C’est ce fonctionnement sans heurts que ne veulent pas les stratèges thalassocratiques conventionnels, le Deep State et les néoconservateurs bellicistes. Merkel et Hollande ont joué le rôle de figurants impuissants dans un scénario qui était dicté par ces forces négatives. Toute réédition potentielle de l’Axe informel Paris-Berlin-Moscoua été réduite à néant, une Axe où les dirigeants de la France et de l’Allemagne auraient eu leur mot à dire dans les affaires européennes et auraient pu agir dans les intérêts réels de leurs peuples.
Il n’est plus possible de raisonner dans les termes dictés par le contexte délétère de la seconde guerre mondiale, où l’on campe la Russie actuelle comme une URSS agressive prête à bondir sur l’Europe et une Europe condamnée à se défendre. La seconde guerre mondiale a prouvé l’unité géostratégique de tout l’espace sis entre l’Algarve portugaise et le quadrilatère de Magnitogorsk au sud de l’Oural. Elle a prouvé aussi la nécessité de l’artère stratégique entre l’Arctique et l’Iran. Toutes les forces positives, en Europe et en Russie, doivent s’unir pour faire fonctionner les corridors de communications (Rhin-Alpes, Rhin Danube, Baltique/Adriatique, Arctique/Caspienne, etc.) que la guerre actuelle bloque irrémédiablement et que toute réactivation des conflits dans le Caucase du Sud bloquerait encore davantage. Ces forces positives doivent faire converger leurs réalisations avec les projets chinois dits « Belt & Road Initiative ».
Une partie importante des forces armées ukrainiennes (AFU) adhère ouvertement aux idées nazies. Cela est évident à la fois dans leurs attributs et dans leur interprétation déformée de l'histoire et des résultats de la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi l'Europe soutient-elle le régime nazi, contrairement à ses propres lois ?
Les allusions au nazisme en Ukraine laissent les observateurs lucides d’Europe occidentale pantois. Les anciens, qui ont vécu l’époque où le national-socialisme régnait sur l’Allemagne et sur les pays occupés par les armées de Hitler, n’ont tout de même pas le souvenir de ce folklore sinistre avec des torses masculins tatoués et une « musique » faite de fracas épouvantables. Les nazistes ukrainiens font penser aux Maras du Salvador en Amérique centrale, qui, eux aussi, furent manipulés par des forces extérieures au pays. Ce « nazisme » à Kiev est comparable à toutes ces formes de « contre-culture » nées dans les pays anglo-saxons depuis les années 1950. Dans les années 1980, et encore au début des années 1990, on trouvait en Europe occidentale une contre-culture malsaine, dite « skinhead », qui a décrédibilisé les mouvances nationales dans tous les pays où elle s’est manifestée. Les services secrets s’en servaient d’ailleurs pour cela, pour effrayer le citoyen normal, pour l’induire à ne pas voter pour de nouveaux partis (de gauche ou de droite). Aujourd’hui, cette « contre-culture » n’est plus nécessaire : les services peuvent manipuler plus adroitement les élections, en trafiquant le vote électronique ou en avançant des politiciens qui promettent un changement mais s’alignent sur le système, une fois élu (Sarkozy, Meloni). Cette « contre-culture » de violence verbale, de signes agressifs comme les tatouages de runes ou de croix gammées (ou d’autres chez les Maras salvadoriens), de musique cacophonique, est tolérée en Ukraine parce qu’elle a permis le recrutement de soldats dans la lutte contre les russophones du Donbass. Elle ne serait pas tolérée en Europe occidentale car assimilée, à tort ou à raison, à l’occupant allemand de la seconde guerre mondiale.
17:08 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens, Géopolitique, Synergies européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert steuckers, entretien, géopolitique, russie, ukraine, europe, affaires européennes, politique internationale, synergies européennes | |
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lundi, 10 avril 2023
Pour les Verts, deux poids deux mesures : Habeck mise sur l'énergie nucléaire en Ukraine - et ferme des centrales nucléaires allemandes
Pour les Verts, deux poids deux mesures : Habeck mise sur l'énergie nucléaire en Ukraine - et ferme des centrales nucléaires allemandes
Source: https://zuerst.de/2023/04/10/gruene-doppelmoral-habeck-setzt-in-der-ukraine-auf-atomkraft-und-schaltet-deutsche-akws-ab/
Kiev. Lors de sa visite de solidarité en Ukraine, ce n'est pas la ministre fédérale des Affaires étrangères Baerbock qui a tiré sur plusieurs boucs émissaires, mais son collègue, issu du même parti, le ministre fédéral de l'Économie Robert Habeck (Verts).
En effet, alors qu'il veille à ce que les trois dernières centrales nucléaires allemandes soient fermées ce mois-ci malgré la crise énergétique et la pénurie de gaz, il mise d'autant plus ouvertement sur la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires locales à Kiev. Notez que les centrales nucléaires allemandes, y compris Isar 2 en Bavière (photo), sont parmi les plus sûres et les plus efficaces au monde, alors que l'Ukraine en guerre reste à la norme soviétique.
Après sa rencontre avec le ministre ukrainien de l'énergie, Herman Halouchtenko, M. Habeck a déclaré dans une interview au journal allemand Die Welt : "L'Ukraine s'en tiendra à l'énergie nucléaire. C'est tout à fait clair - et c'est très bien tant que ces centrales fonctionnent en toute sécurité. Elles ont été construites donc elles existent".
Peu préoccupé par la guerre, M. Habeck a également manifesté un intérêt touchant pour un approvisionnement énergétique ukrainien durable et respectueux du climat - la part des énergies renouvelables dans le mix électrique ukrainien devrait être portée à 50 % à l'avenir. L'Ukraine se qualifie pour cela dans la mesure où le pays dispose de grandes surfaces et bénéficie de plus d'heures d'ensoleillement que l'Allemagne au niveau régional.
L'Office fédéral allemand des statistiques en sait plus : selon lui, le mix énergétique ukrainien en 2022 était composé à environ 60% d'énergie nucléaire et à environ 26% d'électricité produite à partir de charbon. L'éolien, le solaire et l'hydraulique n'en représentent même pas 10 %. Dans ces conditions, il n'est pas certain que les Ukrainiens acceptent "l'invitation à la décarbonisation" lancée par Habeck.
Mais ce n'est pas aux Ukrainiens, mais à ses propres compatriotes que l'invité vert allemand a infligé un coup de massue peut-être encore plus contondant. En effet, M. Habeck a précisé que les investissements des entreprises allemandes en Ukraine étaient garantis par le gouvernement fédéral malgré la guerre. Il s'agit actuellement de onze projets en Ukraine avec 21 garanties d'investissement pour un total de 221 millions d'euros. Trois d'entre eux se sont ajoutés depuis le début de la guerre. Selon le ministère de M. Habeck, 21 demandes sont actuellement en cours. En d'autres termes, les entreprises allemandes peuvent aisément répercuter sur l'Etat allemand et, en fin de compte, sur le contribuable, les pertes et notamment les dommages de guerre qu'elles subissent sur les sites ukrainiens.
Ce modèle économique est particulièrement séduisant pour le groupe d'armement Rheinmetall - le fabricant de chars de Düsseldorf souhaite justement créer de toutes pièces en Ukraine une nouvelle usine de production pour son propre char de combat ultramoderne KF-51. Le Kremlin a déjà annoncé qu'il détruirait l'usine si nécessaire. Rheinmetall ne peut que profiter de cette situation : si l'usine de chars est pulvérisée par des missiles russes, c'est le contribuable allemand qui paiera. (he)
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dimanche, 09 avril 2023
De la dédollarisation à la yuanisation et à la monnaie des BRICS : la multipolarité des monnaies
De la dédollarisation à la yuanisation et à la monnaie des BRICS : la multipolarité des monnaies
Par Alfredo Jalife Rahme
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/de-la-desdolarizacion-a...
La dédollarisation est irréversible. Seuls sa vitesse et son calendrier posent question, alors que l'anglosphère prétend la faire traîner en longueur, tandis que le Sud s'est lancé vertigineusement dans l'adoption de la yuanisation et de la monnaie des BRICS.
Cyrus Janssen explique que "la Chine va vite ! Après avoir négocié le plus grand accord de paix au Moyen-Orient, elle accueille maintenant l'Arabie saoudite (AS) dans son alliance commerciale. Cette annonce a été faite quelques instants après que la Chine a conclu sa première transaction de GNL en renminbi avec les Émirats arabes unis (EAU). Les temps changent !" (https://bit.ly/3nzSala ).
Watcher.guru affirme que "AS a un partenariat commercial avec la Chine, la Russie, l'Inde, le Pakistan et quatre pays d'Asie centrale (http://bit.ly/42YbQzu )".
L'ambassade de Russie au Kenya a publié que "la Russie et l'Inde cherchent à briser le monopole du dollar et à dominer le marché eurasien. Un forum organisé à New Delhi a mis l'accent sur les principaux liens commerciaux à la veille du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (https://bit.ly/40SqAOi )".
Le président kenyan William Ruto a encouragé ses concitoyens à se séparer de leurs dollars (https://bit.ly/3lVTm1M ). Le Kenya a souffert d'une pénurie de dollars en raison de la dévaluation de sa monnaie, le shilling, qui a engendré une forte inflation, tandis que la Bolivie subit également les ravages d'une sécheresse de dollars en raison des importations d'hydrocarbures qu'elle paie avec des billets verts. C'est peut-être l'occasion pour la Bolivie de se débarrasser des chaînes de la dollarisation et d'adopter le yuan et/ou la roupie indienne et/ou la monnaie des Brics.
Bloomberg rapporte que "l'Inde proposera sa monnaie comme alternative pour commercer avec les pays confrontés à des pénuries de dollars (http://bit.ly/40OSsTF )".
Sharmine Narwani affirme : "TREMENDOUS : it's the most important global development in years. Si les pays de l'ANASE abandonnent le dollar pour leurs monnaies locales, le dollar est mort" (https://bit.ly/3K0TUvh ).
@runews commente que "les BRICS, l'AS, la Biélorussie et l'Iran développent une nouvelle monnaie" (https://bit.ly/3nEaSbc ).
Les 10 pays de l'ANASE (Asie du Sud-Est) discutent de l'abandon du dollar et de l'euro dans leurs échanges commerciaux et leur principale puissance géoéconomique, l'Indonésie (17ème au classement mondial du PIB), invite ses partenaires régionaux à ne plus utiliser les cartes de crédit Visa et MasterCard "pour éviter les répercussions des sanctions occidentales à l'encontre de la Russie" (http://bit.ly/3ZtAvsB ).
The Cradle affirme que "les pays du BRICS travaillent fondamentalement sur une nouvelle monnaie : la monnaie officielle russe". (https://bit.ly/3Km0rCi )
L'analyste cité David Goldman affirme que "le désordre bancaire américain annonce la fin du système de réserve du dollar" car "la crise bancaire n'est pas un problème de qualité du crédit, mais découle de la tâche désormais impossible de financer la dette extérieure américaine qui ne cesse de croître" (http://bit.ly/3zG9SXb ).
Le Global Times chinois prévoit que "la dédollarisation est inévitable à mesure que l'utilisation d'autres monnaies s'accélère", comme cela vient d'être le cas avec l'accord conclu entre la Chine et le Brésil pour commercer dans leurs propres monnaies lorsque leurs échanges bilatéraux dépassent 150 milliards de dollars (http://bit.ly/3nCVP1J ).
Même la France a participé à un accord triangulé avec les Émirats arabes unis pour l'achat de gaz naturel liquéfié (GNL) avec la Chine en yuans (http://bit.ly/40LFiXo ).
Gillian Tett du Financial Times appelle à "se préparer à un monde multipolaire de monnaies" alors que "le dollar américain domine toujours les marchés de la dette, mais certaines données de niche suggèrent que les choses pourraient être en train de se retourner" (http://bit.ly/42UMKS0 ).
Par ailleurs, il y a 14 ans, j'affirmais que "le monde tend vers la multipolarité et la régionalisation des monnaies" (http://bit.ly/3ZyPx0n ). J'ai également proposé la monnaie des Brics (http://bit.ly/3zjVWlo ), qui est aujourd'hui sur le point d'être réalisée pour remplacer le dollar (http://bit.ly/3KonBry ). "CQFD.
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15:41 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, finances, monnaies, dédollarisation, yuan, dollar, yuanisation, multipolarité, politique internationale | |
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49-3 soutiens
par Georges FELTIN-TRACOL
À l’occasion de la calamiteuse réforme des retraites traitée dans l’excellente émission n°25 de L’Écho des Canuts mise en ligne sur Radio Méridien Zéro le 11 février 2023, l’Hexagone retombe dans une série de secousses collectives, de transes politiciennes et de spasmes sociaux dont il a le secret. On assiste à une pitoyable tragicomédie au scénario bouffon dans lequel des lycéens, par ailleurs grévistes du vendredi pour le climat, brûlent volontiers palettes et poubelles sans se soucier du bilan carbone défavorable qu’ils provoquent.
Outre le report de 62 à 64 ans de l’âge du départ de la vie active, les protestations concernent l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cette crise adulescente qui s’apparente à une éruption urticante spontanée n’est pas nouvelle. La loi El Khomri sur le travail en 2016 avait déjà suscité un mécontentement semblable.
Les principaux contempteurs du 49-3 se trouvent dans les rangs de la gauche radicale. Ils rêvent du grand soir et ont la nostalgie du régime d’assemblée de la Convention nationale en 1793… Dans un pays où les six candidats de gauche (Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud) recueillent un total de 11.225.271 suffrages à l’élection présidentielle de l’an passé, il n’est pas illogique que deux à trois millions de Français affichent leur hostilité à cette loi. La forte contestation relevée dans la « France périphérique » montre aussi que cette stupide réforme cristallise une vive colère qui la transcende. Certains évoquent une continuité conflictuelle par-delà l’entracte covidesque – et peut-être à cause de lui – entre ces grandes mobilisations, les « Bonnets rouges » bretons de 2013 et les « Gilets jaunes » de 2018 – 2019.
Bien des critiques proclament que le 49-3 serait anti-démocratique. Opinion grotesque ! Cette disposition inscrite dès l’origine dans la Constitution appartient à ce que les constitutionnalistes qualifient de « parlementarisme rationalisé ». Ses autres outils sont le 44-3 (pour le vote bloqué) et le 47-1 (la procédure d’accélération des débats législatifs dans le cadre des projets de loi des finances). Avant la funeste révision de 2008, le gouvernement bénéficiait de l’article 48, lui assurant la seule maîtrise de l’ordre du jour au Parlement. Le 49-3 correspond à la procédure habituelle en régime parlementaire de la question de confiance. Le gouvernement pose sa responsabilité sur un texte précis pour obtenir de l’Assemblée nationale un vote qu’il juge indispensable pour la poursuite de sa politique. Dans l’esprit des rédacteurs de la Constitution de la Ve République, Michel Debré en particulier, le 49-3 est une façon inédite de renforcer la stabilité du gouvernement, de discipliner une majorité parfois réticente et d’arrêter les manœuvres dilatoires de l’opposition.
Suite à une délibération du Conseil des ministres, le Premier ministre engage son maintien à propos d’un texte législatif. L’opposition peut alors déposer une motion de censure. Si elle n’est pas déposée ou si elle n’obtient pas la majorité absolue des inscrits, le gouvernement estime mériter la confiance des élus; il reste en fonction et le texte est entériné. Si la motion de censure est adoptée, le texte est rejeté et le gouvernement renversé; le Premier ministre doit alors présenter sa démission et celle de son équipe ministérielle au président de la République qui peut alors dissoudre l’Assemblée nationale, mais cette option n’est pas obligatoire.
La philosophie du 49-3 est limpide. Elle applique l’adage « Qui n’est pas contre moi est pour moi ». En effet, en s’abstenant, le député approuve in fine le texte et donc l’action du gouvernement. Le 20 mars dernier, il a manqué neuf voix pour entraîner la chute du gouvernement Borne. Parmi ce déficit de neuf voix, signalons les députés LR et la députée non-inscrite de l’Hérault, Emmanuelle Ménard, chroniqueuse au mensuel Causeur, et représentant avec son mari, l’édile de Béziers, d’un macronisme d’extrême droite.
L’article 49-3 si décrié se coule dans le strict mécanisme parlementaire qui laisse à l’Assemblée nationale la liberté de censurer le gouvernement sans toutefois susciter des majorités négatives de circonstance ou des alliances contre-nature. Cette procédure institutionnelle se rapproche en partie de la motion de censure constructive prévue dans la Loi fondamentale allemande de 1949 qui contraint les éventuels censeurs à s’accorder autour d’une personnalité susceptible de remplacer le chancelier en fonction.
La révision constitutionnelle du 28 juillet 2008 voulue par Nicolas Sarközy en a fortement réduit l’usage. Le 49-3 n’est maintenant possible que pour les lois de finance (le budget), les lois de financement de la Sécurité sociale et un seul projet de loi par session parlementaire. On ne peut que déplorer cet amoindrissement.
Avec le projet de loi sur les retraites, le gouvernement recourt pour la centième fois au 49-3 depuis 1958. En dix mois, Élisabeth Borne l’a employé onze fois. Le socialiste Michel Rocard, entre 1988 et 1991, conserve encore le record avec vingt-huit utilisations consécutives. Ses successeurs immédiats, Édith Cresson (1991 – 1992) et Pierre Bérégovoy (1992 – 1993), l’ont utilisé respectivement huit et trois fois. L’Assemblée nationale élue en juin 1988 après une dissolution souhaitée par un François Mitterrand réélu ne donna qu’une majorité relative aux socialistes. Matignon dut composer pendant cinq ans entre les groupes communiste et centriste. À cette époque, le sénateur socialiste de l’Essonne de 1986 à 2000 et fervent mitterrandolâtre, Jean-Luc Mélenchon, approuvait son usage répété.
Le premier Premier ministre de la Ve République, Michel Debré (1958 – 1962), l’utilisa à quatre reprises. Les gaullistes n’avaient qu’une majorité relative. Plus tard, entre 1976 et 1981, le centriste Raymond Barre l’utilisa huit fois. Il lui fallait contenir l’animosité d’une partie de sa majorité, les députés chiraquiens du RPR, contre son gouvernement lié à Valéry Giscard d’Estaing. Malgré une large majorité à l’Assemblée, le socialiste Pierre Mauroy s’en servit à sept reprises. La première fois fut pour la loi d’amnistie des partisans de l’Algérie française exigée en 1982 par François Mitterrand lui-même en dépit des nombreuses réticences d’élus PS.
Il faut remarquer que des Premiers ministres n’y ont jamais eu recours. Jean Castex (2020 – 2022), mais aussi Maurice Couve de Murville (1968 – 1969), Jacques Chaban-Delmas (1969 – 1972), Pierre Messmer (1972 – 1974), Jacques Chirac (1974 – 1976), Lionel Jospin (1997 – 2002) bien que les socialistes fussent minoritaires au sein de la « gauche plurielle », François Fillon (2007 – 2012) et Bernard Cazeneuve (2016 – 2017). En moins de cinq mois, ce dernier a toutefois pris de nombreuses ordonnances, permettant le contournement du pouvoir législatif sans que cela n’offusque personne…
Le 49-3 contribue enfin à la réalisation de la « démocratie agonistique » théorisée par Chantal Mouffe. Pour la philosophe belge, porte-parole d’un populisme de gauche bien mal en point, il est contre-productif de rechercher le compromis et de travailler à un éventuel consensus. Le 49-3 empêche toutes ces turpitudes politiciennes. Il antagonise au contraire la société politique. Vouloir ainsi abolir le 49-3 serait une grave faute constitutionnelle. Ce moyen institutionnel a montré toute sa pertinence, même à mauvais escient.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 68, mise en ligne le 4 avril 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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Points de vue chinois: l'adhésion de la Finlande à l'OTAN compromet la sécurité européenne
Points de vue chinois: l'adhésion de la Finlande à l'OTAN compromet la sécurité européenne
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2023/04/05/kiinalaisnakemys-suomen-nato-jasenyys-heikentaa-euroopan-turvallisuutta/
En Chine aussi, le parcours de la Finlande vers l'adhésion à l'OTAN a été suivi, peut-être même avec une certaine surprise. Des publications internationales chinoises, comme le Global Times, ont demandé à des experts de la politique étrangère et de la sécurité de la République populaire de leur faire part de leurs commentaires.
Cui Heng (photo), chercheur assistant au Centre d'études russes de l'Université normale de Chine orientale, déclare, sur un ton légèrement sarcastique, que "pour les pays pris entre les grandes puissances, ne pas choisir son camp serait en fait un choix très rationnel".
Cependant, la Finlande de Niinistö n'a pas été en mesure de faire un choix aussi intelligent, et au lieu de cela, citant le conflit en Ukraine, le projet de l'OTAN, qui était en suspens depuis longtemps, a été précipitamment mis de côté. Bien entendu, du point de vue du parti de la coalition, la Finlande aurait dû demander à adhérer à l'alliance militaire occidentale dès l'effondrement de l'Union soviétique.
Selon les experts chinois, l'abandon de la politique de neutralité "pousse maintenant la Finlande en première ligne contre la Russie, ce qui rend la situation sécuritaire en Europe encore plus instable".
Le professeur Li Haidong, de l'Institut des relations internationales de l'Université chinoise des affaires étrangères, estime également que "la Finlande a perdu son rôle de bâtisseur de ponts entre la Russie et l'Europe". Selon lui, le choix de l'Occident montre que les décideurs finlandais manquent de "vision stratégique".
"La Russie a l'obligation de répondre à ces nouvelles préoccupations pour sa sécurité nationale", souligne M. Cui. Quelles contre-mesures le Kremlin va-t-il prendre pour assurer sa propre "sécurité tactique et stratégique" ?
Il y a environ un an, Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité russe et ancien président de la Russie, a clairement averti que si la Finlande ou la Suède rejoignaient l'OTAN, la Russie placerait des armes nucléaires à proximité des États baltes et de la Scandinavie, "et qu'il ne serait plus possible de parler d'une région de la mer Baltique dénucléarisée".
La confrontation militaire avec la Russie s'intensifiera avec l'élargissement de l'OTAN, qui, selon les experts chinois, portera atteinte à la sécurité de "tous les pays européens".
L'accumulation d'armes s'accélérera également : la Finlande partageant 1300 km de frontière avec la Russie, les forces de défense finlandaises, en tant que pays membre de l'OTAN, devront réaliser des investissements plus coûteux. Le rôle de la Finlande au sein de l'OTAN comprend également la défense de toute la région baltique, car un pays traumatisé comme l'Estonie, par exemple, n'a pas les ressources nécessaires pour le faire lui-même.
En rapprochant toujours plus les missiles de la Russie, l'Occident de l'OTAN oblige la Russie à recourir à la dissuasion nucléaire. D'ailleurs, la Russie a déjà accepté de placer des armes nucléaires tactiques sur le sol de son allié, le Belarus.
Selon M. Cui, la Russie peut répondre aux initiatives de l'OTAN "en intensifiant son offensive sur les champs de bataille de l'Ukraine, d'une part, et en continuant à renforcer ses armes nucléaires, d'autre part".
Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a quant à lui assuré que l'adhésion de la Finlande lui donnerait des "garanties de sécurité à toute épreuve". Que se passera-t-il le moment venu ? Les soldats finlandais seront-ils également impliqués dans les opérations américaines en mer de Chine méridionale, alors que la situation s'y réchauffe ?
15:14 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, politique internationale, finlande, europe, affaires européennes, neutralité, otan | |
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Les dragons de l'OTAN : Le pacte sombre de la Finlande
Les dragons de l'OTAN : Le pacte sombre de la Finlande
Constantin von Hoffmeister
Source: https://eurosiberia.substack.com/p/dragons-of-nato-finlands-dark-pact?utm_source=post-email-title&publication_id=1305515&post_id=112857424&isFreemail=true&utm_medium=email
Dans l'obscurité du Léviathan belliciste de l'OTAN, la Finlande est désormais prise au piège ! Un mardi fatidique, le royaume a brandi sa bannière blanche et bleue devant la forteresse militaire de Bruxelles, sous le regard de l'assemblée hétéroclite des sorciers politiques. Les terres germaniques étaient représentées par la magicienne Annalena Baerbock, qui a apparemment cautionné ce périlleux enchantement.
Aujourd'hui, l'insatiable hydre de l'OTAN compte 31 têtes venimeuses. Bien que ses légions armées ne semblent croître que modestement, la Finlande apporte 19.000 guerriers actifs, 238.000 réservistes prêts au combat et un système obscur de coffres-forts d'armes cachées et de bastions de guérilla. Poursuivant une militarisation implacable, la Finlande a maintenu ses coffres de guerre au-dessus de la barre des deux pour cent fixée par la cabale de l'OTAN, manie de redoutables chars de guerre Leopard 2, dont certains ont été envoyés en Ukraine, et s'apprête même à lâcher des destriers volants américains F-35. Alors que d'autres forces de l'OTAN n'ont pas encore débarqué sur les côtes finlandaises, la sombre alliance murmure de manière inquiétante que la Finlande pourrait les convoquer à tout moment.
L'adhésion de la Finlande sert principalement à renforcer la portée malveillante de l'OTAN, en jetant une ombre sur les royaumes septentrionaux de la Russie, y compris l'ancienne ville de Saint-Pétersbourg et les connexions vitales avec les citadelles navales de la mer de Barents. L'incantation trompeuse de l'OTAN, selon laquelle les vastes frontières russes de 24.000 kilomètres rendent sans conséquence un simple front de 1300 kilomètres dans le nord, est une déformation perfide de la réalité, car la plus grande étendue se trouve le long des terres gelées de la Sibérie.
Nous ne devons pas oublier les actes passés de cette hydre de l'OTAN, tels que le bombardement inacceptable des terres yougoslaves en 1999, un cataclysme qui a laissé d'innombrables innocents tués et la terre entière brisée. Cette alliance de bellicistes a déchaîné le feu du dragon et le sang au nom du salut ou de la protection, ne laissant que des ruines dans son sillage.
Les rites du pacte ténébreux de la Finlande avec l'OTAN, initié au mois de mai de l'année 2022, ont été accélérés par les convoitises des membres de l'alliance. La Suède, elle aussi, est attirée par le chant des sirènes de cette infâme confrérie, connue ces derniers temps pour avoir lâché des flots de ravages sur le peuple afghan. Pourtant, les émissaires de la Hongrie et de la Turquie cherchent encore à arracher des concessions aux émissaires suédois pour leurs propres machinations politiques avant de succomber inévitablement au chœur sanguinaire. Dans les coulisses du pouvoir, Jens Stoltenberg, le seigneur de l'ombre de l'OTAN, affiche une sinistre confiance en leur soumission finale.
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La directive de Douguine : un concept de politique étrangère comme apothéose de la multipolarité et catéchisme de la souveraineté
La directive de Douguine : un concept de politique étrangère comme apothéose de la multipolarité et catéchisme de la souveraineté
par Alexandre Douguine
Source: https://tsargrad.tv/articles/direktiva-dugina-koncepcija-vneshnej-politiki-kak-apofeoz-mnogopoljarnosti-i-katehizis-suvereniteta_757277?fbclid=IwAR25RDpH_8x2cNryGFWV1OzQJd5dsYAVDkLegyaUFDqkFirSyeD0za8Qy1o
Le 31 mars, le président russe Vladimir Poutine a approuvé un nouveau concept de politique étrangère. On peut considérer qu'il s'agit de l'accord final dans les changements dans la conscience géopolitique et civilisationnelle des autorités russes, lesquels changement avaient commencé il y a 23 ans avec l'accession de Poutine au pouvoir. C'est seulement maintenant, dans cette version toute récente, que la doctrine de politique étrangère de la Russie prend un aspect nettement contrasté et désormais sans ambiguïté. Cette fois-ci, elle est vraiment dépourvue d'ambiguïtés et d'équivoques.
Il s'agit d'un programme d'action ouvert et complet d'une grande puissance continentale souveraine qui déclare sa vision de l'ordre mondial à venir, de ses paramètres et de ses fondements et qui exprime en même temps sa volonté de fer de construire une telle architecture en dépit de tout niveau de confrontation avec ceux qui essaieraient de l'empêcher de manière rigide et d'imposer un plan extérieur à la Russie, pouvant aller jusqu'à une frappe nucléaire préventive.
L'ossature d'une souveraineté stratégique à part entière
Le concept introduit et utilise tous les termes fondamentaux, cohérents et conformes à la théorie du monde multipolaire et à l'interprétation eurasienne de l'essence civilisationnelle de la Russie. Ainsi, la victoire des partisans de la voie souveraine de l'existence historique de la Russie a finalement été inscrite dans un document stratégique fondamental du programme. Cette clarté et cette cohérence totales et inhabituelles dans la formulation et les définitions sont certainement le résultat de la guerre avec l'Occident collectif, qui est entrée dans une forme directe et féroce, où l'existence même de la Russie est en jeu. Et il est tout simplement impossible de gagner, mais aussi de mener une telle guerre sans principes, règles et attitudes clairs.
Le nouveau concept énonce clairement les règles que la Russie accepte et auxquelles elle souscrit. En outre, elle les formule pour la première fois. Ces règles sont directement opposées à la stratégie mondialiste, à l'unipolarité et à la théorie libérale des relations internationales. Alors que la Russie essayait de trouver des formulations de compromis qui reflétaient à la fois la volonté de souveraineté et la recherche de compromis avec l'Occident, il en va différemment aujourd'hui : la Russie est un État mondial, un pays-continent qui est une civilisation indépendante - avec ses propres orientations, objectifs, origines, valeurs, avec son identité immuable qui ne dépend d'aucune force extérieure. Les Occidentaux et les libéraux russes ont eu beau se battre contre la "voie spéciale", celle-ci a été approuvée par la loi et constitue la principale disposition de la politique étrangère. Les dissidents devront soit l'accepter, soit s'y opposer ouvertement.
Le 31 mars 2023, les patriotes, les Eurasiens et les partisans de la pleine souveraineté civilisationnelle ont probablement remporté la victoire la plus impressionnante et la plus visible de l'ère post-soviétique. L'idée d'une voie eurasienne russe dans la politique étrangère a triomphé. Le concept a été développé au ministère des affaires étrangères et signé par le président. C'est sur cet arc que le sujet russe - l'épine dorsale d'une souveraineté stratégique à part entière - est désormais situé.
L'adoption d'un concept aussi sérieux et cohérent sur le plan interne nécessitera des changements correspondants dans la doctrine militaire, ainsi qu'un énorme travail d'organisation pour aligner les institutions du pouvoir exécutif, ainsi que l'éducation et l'information, sur les lignes de force entièrement nouvelles. Le Conseil a également un rôle à jouer dans ce processus.
Si le pays ne se contente pas de suivre sa propre voie russe, mais qu'il l'affirme explicitement, tout change. Même flirter avec l'Occident, ses "règles" et ses "critères" n'a aucun sens. L'Occident libéral mondialiste a coupé la Russie d'elle-même et, de surcroît, est entré en confrontation militaire directe avec elle. Avec sa nouvelle doctrine de politique étrangère, la Russie ne fait que corriger cet état de fait.
Les masques sont tombés : nous sommes résolument pour un monde multipolaire, tandis que ceux qui s'y opposent, qui cherchent à préserver l'ordre mondial unipolaire à tout prix, ne sont pas appelés "partenaires", "collègues" ou "amis", mais des ennemis directs, contre lesquels la Russie est prête à lancer une frappe nucléaire préventive si nécessaire.
Ainsi, l'ensemble de la politique étrangère et des processus qui se déroulent sur la scène internationale ont été mis en lumière et sont devenus complètement symétriques. Les élites mondialistes de l'Occident moderne ne cachent pas leur intention de détruire la Russie, de renverser et de traduire en justice son dirigeant, d'anéantir toute initiative en faveur d'un monde multipolaire. Elles fournissent massivement des armes aux néonazis ukrainiens et fomentent partout la russophobie, s'attribuant le droit d'agir comme bon leur semble partout dans le monde.
La Russie leur répond enfin de la même manière. Nous comprenons vos intentions et votre logique. Mais nous la rejetons totalement. Nous avons l'intention de défendre notre existence et notre souveraineté par tous les moyens, nous sommes prêts à nous battre pour cela et à payer n'importe quel prix.
Le concept de politique étrangère adopté repose sur une position fondamentale - la Russie est proclamée :
- "un État-civilisation distinctif",
- une vaste puissance eurasienne et euro-pacifique",
- un axe autour duquel "le peuple russe et les autres peuples se sont ralliés",
- le noyau d'une "communauté culturelle et civilisationnelle du monde russe".
Voilà l'essentiel. C'est la réponse à une question qui est loin d'être aussi simple qu'il y paraît : qui sommes-nous ? C'est de cette autodéfinition que découle la multipolarité sur laquelle tout le reste est construit. S'il s'agit d'une civilisation, elle ne peut pas faire partie d'une autre civilisation. Ainsi, la Russie ne fait pas partie de la civilisation occidentale (comme l'affirmaient les versions précédentes du concept de politique étrangère), mais d'une civilisation indépendante, souveraine et non occidentale, à savoir le monde russe. Tel est le principe fondamental sur lequel repose désormais la politique étrangère de la Russie.
Le long chemin vers une civilisation souveraine
Poutine a parcouru un long chemin en 23 ans, depuis les premières tentatives prudentes mais résolues de restaurer la souveraineté de la Russie en tant qu'État, presque entièrement perdue dans les années 1990, en reconnaissant que la Russie (bien que souveraine) fait partie du monde occidental, de l'Europe (de Lisbonne à Vladivostok) et partage généralement les valeurs, les règles et les attitudes de l'Occident, jusqu'à la confrontation frontale avec l'Occident collectif, en rejetant catégoriquement son hégémonie, en refusant de reconnaître ses valeurs, ses principes et ses règles comme étant universels et strictement acceptés par la Russie.
La signature par Poutine, le 31 mars 2023, du nouveau concept de politique étrangère signifie que le chemin menant d'un État souverain dans le contexte d'une civilisation occidentale libérale mondialiste commune à une civilisation souveraine, au monde russe et à un pôle indépendant a été définitivement franchi. La Russie n'est plus l'Occident. L'Occident a été le premier à le proclamer, en lançant contre nous une guerre d'anéantissement. Après un an d'Opération militaire spéciale, nous l'affirmons à notre tour. Non pas avec regret, mais avec fierté.
La définition de la Russie présentée ci-dessus comporte quatre niveaux, dont chacun représente le concept le plus important de la politique étrangère.
- L'affirmation selon laquelle la Russie est un État civilisationnel signifie que nous n'avons pas affaire à un simple État-nation selon la logique du système westphalien, mais à quelque chose de beaucoup plus grand. Si la Russie est un État-civilisation, elle ne doit pas être comparée à un pays occidental ou non occidental particulier, mais à l'Occident dans son ensemble, par exemple. Ou avec un autre État-civil, comme la Chine ou l'Inde. Ou simplement avec une civilisation représentée par de nombreux États (comme le monde islamique, l'Amérique latine ou l'Afrique). Un État-civilisation n'est pas seulement un très grand État, c'est, comme les anciens empires, les royaumes des royaumes, un État d'États. Au sein de l'État-civilisation, diverses entités politiques peuvent être situées et même être tout à fait autonomes. Selon K. Leontiev, il s'agit d'une complexité florissante, et non d'une unification linéaire, comme dans les États-nations ordinaires du Nouvel Âge.
- Mais en même temps, la Russie est décrite comme une "vaste puissance eurasienne et euro-pacifique", c'est-à-dire un État souverain fort à l'échelle du continent. Les Eurasiens la qualifient d'"État continental". L'adjectif "vaste" n'est pas utilisé à titre purement descriptif. La véritable souveraineté ne peut être détenue que par des puissances "vastes". Il s'agit ici d'une référence directe à la notion de "vaste espace", qui est une composante nécessaire de la souveraineté stratégique à part entière. Une puissance qui ne répond pas à ces exigences ne peut être véritablement souveraine. Le caractère eurasien et euro-pacifique de la Russie renvoie directement à la pleine reconnaissance de la géopolitique eurasienne et de ses dispositions fondamentales. La Russie-Eurasie dans la philosophie eurasienne est un concept opposé à l'interprétation de la Russie comme l'un des pays européens. Le terme "puissance" lui-même doit être interprété comme un synonyme d'empire.
La référence au peuple russe et aux autres peuples qui partagent avec les Russes leur destin historique, géopolitique et civilisationnel est très importante. Le peuple russe est devenu un peuple issu de diverses tribus slaves orientales, finno-ougriennes et turques, précisément dans le cadre du processus historique de construction d'une nation. En construisant un État, la nation s'est également construite elle-même. D'où le lien indissociable entre les Russes et leur statut d'État indépendant et souverain. Mais en même temps, cela indique aussi que l'État a été créé par le peuple russe, préservé et soutenu par lui.
- L'introduction du concept de "monde russe" dans le concept de politique étrangère est très révélatrice. L'État ne coïncide jamais - à de rares exceptions près - avec les frontières de la civilisation. Autour de ses frontières établies, il y a toujours des zones d'influence intensive des débuts de la civilisation. Le monde russe est une zone historique et culturelle circonscrite, qui appartient certainement à la Russie en tant que civilisation, mais qui ne fait pas toujours partie du pouvoir russe. Dans certains cas, lorsque les relations entre les pays sont harmonieuses et amicales, le monde russe peut exister harmonieusement de part et d'autre de la frontière. Mais en présence de conflits interétatiques, l'État-civilisation qu'est la Russie (selon ce concept de politique étrangère) a toutes les raisons de défendre sa civilisation - et dans les cas les plus critiques, d'ignorer les frontières elles-mêmes. Ainsi, le concept de monde russe dans le contexte général de la définition de la Russie clarifie la logique de ses actions dans l'espace post-soviétique et, en particulier, donne à l'OTAN une légitimité doctrinale et une validité idéologique.
L'Occident a perdu son droit moral au leadership
Tout le reste découle de la définition principale du statut de la Russie en tant que civilisation souveraine. Ne ressentant plus le besoin de se conformer à l'Occident global, Moscou, dans son nouveau concept de politique étrangère, attaque directement et durement l'eurocentrisme, rejette l'hégémonie occidentale et assimile la mondialisation à un nouveau cycle d'impérialisme et de colonialisme.
Le texte du concept affirme que le centre de l'humanité se déplace régulièrement vers des régions non occidentales de la planète - l'Asie, l'Eurasie, l'Afrique, l'Amérique latine.
Le modèle de développement mondial sans équilibre qui, pendant des siècles, a assuré une croissance économique supérieure à celle des puissances coloniales en s'appropriant les ressources des territoires et des États dépendants d'Asie, d'Afrique et de l'hémisphère occidental, est irrémédiablement en train de devenir une chose du passé. La souveraineté et les possibilités concurrentielles des puissances mondiales non occidentales et des dirigeants régionaux ont été renforcées.
C'est l'essence même de la multipolarité. L'Occident a non seulement perdu la capacité technique de rester l'hégémon mondial dans les domaines politique, économique et industriel, mais il a également perdu le droit moral de diriger.
L'humanité traverse une ère de changements révolutionnaires. La formation d'un monde plus juste et multipolaire se poursuit.
Dans ce contexte, l'aspiration de la Russie à renforcer la multipolarité, à coopérer activement avec d'autres États de la civilisation (principalement la Chine et l'Inde) et à soutenir pleinement diverses alliances et associations d'intégration régionale est considérée comme un programme positif.
Afin de contribuer à adapter l'ordre mondial aux réalités d'un monde multipolaire, la Fédération de Russie entend donner la priorité (...) au renforcement du potentiel et à l'accroissement du rôle international de l'association interétatique BRICS, de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), de la Communauté des États indépendants (CEI), de l'Union économique eurasienne (UEE), de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), de la RIC (Russie, Inde, Chine) et d'autres associations interétatiques et organisations internationales, ainsi que de mécanismes impliquant de manière significative la RIC (Russie, Inde, Chine).
Le monde devient irréversiblement multipolaire, mais l'ancien ordre unipolaire n'est pas prêt à abandonner sans combattre. Telle est la principale contradiction de l'ère moderne. Elle explique la signification des principaux processus de la politique mondiale. Le fait est, explique le concept, que l'Occident libéral mondialiste, réalisant que les jours de son leadership sont comptés, n'est pas prêt à accepter les nouvelles réalités et, à l'agonie, commence à lutter désespérément pour la préservation de son hégémonie.
C'est ce qui explique la plupart des conflits dans le monde et, surtout, la politique hostile des élites occidentales à l'égard de la Russie, qui est objectivement devenue l'un des pôles les plus évidents et les plus cohérents de l'ordre multipolaire. C'est précisément parce que la Russie s'est déclarée État de civilisation, refusant de reconnaître l'universalité de l'ordre mondial occidental et de ses règles, c'est-à-dire le modèle unipolaire de l'ordre mondial, qu'elle est devenue l'objet des attaques de l'Occident, qui a constitué une vaste coalition de pays inamicaux contre la Russie et s'est directement fixé pour objectif de priver la Russie de sa souveraineté.
Les États-Unis d'Amérique (USA) et leurs satellites, considérant le renforcement de la Russie comme l'un des principaux centres de développement du monde moderne et considérant sa politique étrangère indépendante comme une menace pour l'hégémonie occidentale, ont utilisé les mesures prises par la Fédération de Russie pour protéger ses intérêts vitaux en Ukraine comme prétexte pour aggraver leur politique anti-russe de longue date et ont déclenché un nouveau type de guerre hybride. Elle vise à affaiblir la Russie par tous les moyens possibles, notamment en sapant son rôle civilisationnel créatif, sa puissance, ses capacités économiques et technologiques, en limitant sa souveraineté en matière de politique étrangère et intérieure et en détruisant son intégrité territoriale. Cette ligne de conduite de l'Occident est devenue globale et est inscrite dans la doctrine.
Face à cette confrontation, qui constitue le contenu principal de la transition de l'unipolarité à la multipolarité, alors que l'Occident tente par tous les moyens de retarder ou d'interrompre cette transition, la Russie, en tant qu'État-civilisation souverain, en tant que pôle mondial multipolaire stable et fiable déjà établi, déclare sa ferme intention de ne pas s'écarter de la voie choisie, quel qu'en soit le prix.
En réponse aux actions inamicales de l'Occident, la Russie a l'intention de défendre son droit d'exister et de se développer librement par tous les moyens disponibles.
Cela inclut bien sûr le droit d'utiliser contre l'ennemi (qui, dans les circonstances actuelles, est l'Occident collectif qui cherche à maintenir l'unipolarité à tout prix et à étendre son hégémonie), en cas d'attaque directe et même à des fins préventives, n'importe quel type d'armes - jusqu'aux armes nucléaires et aux armes de pointe. Si l'existence même de la Russie souveraine et du monde russe est menacée d'un danger mortel, la Russie est prête à aller aussi loin que nécessaire dans ce cas.
Conditions de coopération
Le nouveau concept définit également les conditions d'une normalisation des relations avec les pays occidentaux. Les pays anglo-saxons, qui sont particulièrement hostiles à la Russie dans cette escalade, sont mis en évidence de manière particulière. Un partenariat renouvelé n'est possible que si les pays occidentaux hostiles et leurs satellites renoncent à la russophobie. En fait, il s'agit d'un ultimatum, exigeant de l'Occident qu'il accepte les conditions de la multipolarité, car l'essence de la russophobie dans le contexte géopolitique n'est rien d'autre que le refus obstiné des élites mondialistes occidentales de reconnaître le droit des États souverains et des civilisations à suivre leur propre voie. C'est la seule raison pour laquelle la Russie se bat aujourd'hui en Ukraine. Sans le contrôle de l'Ukraine, comme le sait tout géopoliticien, la Russie ne pourra pas jouir d'une pleine souveraineté géopolitique et civilisationnelle.
C'est la signification du monde russe, qui ne coïncide pas avec les frontières des États nationaux, mais qui, lorsqu'il forme le pôle et la transition vers l'État-civilisation, ne peut rester sous le contrôle de structures géopolitiques hostiles. Amicales et neutres - oui (comme le montre l'exemple de l'Union biélorusse), mais leur souveraineté nationale n'est pas menacée. Au contraire, la Russie est prête à jouer le rôle de garant et à contribuer à leur renforcement par tous les moyens possibles - dans les domaines économique, politique et militaro-stratégique. Mais toute tentative visant à séparer la partie du monde russe de la Russie principale sera réprimée par tous les moyens. Et c'est exactement ce qui se passe actuellement.
Priorités, vecteurs et objectifs finaux
La deuxième partie du concept de politique étrangère présente des stratégies spécifiques pour développer les relations entre la Russie et les régions du monde : intégration eurasienne de l'espace post-soviétique, construction d'un partenariat prioritaire avec la Chine, l'Inde, le monde islamique, l'Afrique et l'Amérique latine. Dans chaque domaine, des priorités, des vecteurs et des finalités sont mis en évidence. L'adresse à l'Occident est discrète. Mais sous les formules diplomatiques lourdes, il est facile de lire ce qui suit :
Si les peuples occidentaux trouvent la force de se lever et de se débarrasser de la dictature d'une élite hégémonique maniaque qui mène la civilisation à l'abîme, de mettre en avant de vrais leaders et de porter au pouvoir les forces qui défendront réellement leurs intérêts nationaux, ils ne trouveront pas de meilleur ami et allié que la Russie. Toutefois, la Russie n'a pas l'intention d'apporter une aide active en s'ingérant dans les processus internes de la vie politique des pays hostiles et souligne son respect pour tout choix souverain des sociétés occidentales. La Russie dispose également d'une réponse décente en cas de confrontation directe avec des puissances hostiles, si celles-ci franchissent la ligne fatale. Mais il serait préférable que personne ne la franchisse.
La nouvelle version du concept de politique étrangère est un acte fondamental dans le processus de décolonisation de la Russie elle-même, sa libération du contrôle extérieur.
Si l'on veut que ses dispositions soient prises au sérieux, il faut déjà aligner les activités du ministère des affaires étrangères et des institutions éducatives de base (surtout le MGIMO, encore dominé par des paradigmes complètement différents), réformer Rossotrudnichestvo et Russian World, et promouvoir de nouveaux courants de diplomatie publique qui reconnaissent la Russie comme une civilisation souveraine, tels que le Mouvement russophile international (IRD).
Mais l'affirmation de la Russie en tant qu'État civilisé revêt également une importance considérable et décisive pour la politique intérieure. Après tout, on ne peut pas agir comme un État civilisé en matière de politique étrangère et continuer à faire partie d'un système libéral centré sur l'Occident, en partageant ses approches, ses valeurs et ses principes en matière de politique intérieure, même s'il s'agit d'un État souverain. La politique étrangère est toujours étroitement liée à la politique intérieure. Et c'est là que la Russie, pour défendre sa souveraineté, devra s'engager dans des réformes sérieuses et profondes dans un avenir très proche. Si nous avons, on peut le dire, une politique étrangère souveraine, la nécessité d'une politique intérieure souveraine n'a pas encore été bien comprise.
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samedi, 08 avril 2023
Le crépuscule de la doctrine Monroe : comment la Chine et la Russie empiètent sur l'Amérique
Le crépuscule de la doctrine Monroe: comment la Chine et la Russie empiètent sur l'Amérique
Emanuel Pietrobon
Source: https://it.insideover.com/politica/tramonto-dottrina-monroe-cina-russia-sconfinano-america.html
Selon Phil Kelly, géopolitologue non conventionnel, les États-Unis sont le "Heartland" dont parlait Halford Mackinder dans ses ouvrages. Étendus sur une prairie extraordinairement fertile, dotés d'un sol et d'un sous-sol riches en ressources naturelles, des hydrocarbures à l'or bleu, et protégés par deux océans, ils jouissent d'un isolement géostratégique qui leur a permis de se développer presque sans être dérangés.
Ce n'est pas entre le Turkestan et l'Altaï que se trouve le cœur de la Terre, dit Kelly, mais quelque part entre les Appalaches et le bassin du Mississippi. Et ce n'est pas de l'Eurafrasie, fragmentée, vulnérable aux divisions des thalassocraties et en guerre perpétuelle avec elle-même, que naîtra l'hyperpuissance qui trônera sur le monde. Car cette dernière appartient à ceux qui détiennent le pouvoir sur le cœur de la terre, à savoir les États-Unis.
L'hétérodoxe Kelly a produit une oeuvre dont la lecture est nécessaire pour qui veut se plonger dans les fondements de la puissance américaine, qui ne pourrait exister sans le contrôle des grandes routes commerciales maritimes mondiales - un fardeau hérité de l'Empire britannique -, sans le confinement dans une dimension tellurique des quatre cavaliers eurasiens de l'Apocalypse - Chine, Allemagne, Inde, Russie - et, surtout, sans le maintien dans un état de subalternité des acteurs clés de l'hémisphère occidental, la Doctrine Monroe.
Une doctrine Monroe que les aspirants à l'hégémonie mondiale ont toujours contestée, à commencer par la France de Napoléon III et l'Allemagne wilhelminienne, et qui est aujourd'hui assiégée par deux des quatre cavaliers eurasiens de l'Apocalypse, la Chine et la Russie, et par une constellation de forces régionales et extrarégionales. La guerre mondiale se déroule aussi en Amérique latine.
L'Amérique latine, chaudron du monde
De la préservation et de la protection de la doctrine Monroe dépendent l'existence et la survie du système hégémonique mondial construit par les États-Unis. La remettre en cause revient à se frapper la cage thoracique. Le défier, c'est ouvrir une brèche en direction du cœur de la terre, en sachant que la réaction de l'aigle blessé pourrait être imprévisible. Heartland pour Heartland et le monde devient aveugle.
C'est la doctrine Monroe qui a fait des États-Unis un empire hémisphérique, les protégeant des menaces de l'Eurafrasie, et c'est pourquoi ils ont fait l'objet d'une attention particulière de la part des aspirants à l'hégémonie mondiale à toutes les époques: la France de Napoléon III, l'Allemagne de Guillaume II et d'Adolf Hitler, l'Union soviétique et, aujourd'hui, la Russie et la République populaire de Chine. Mais sur son endurance, les affronts systémiques mis à part, pèse aussi l'arrivée en Amérique latine d'une série de tournois de l'ombre mûris en Eurasie.
La fin de la guerre froide n'a pas signifié le triomphe de la paix dans les veines ouvertes et saignantes de l'Amérique latine, mais la poursuite de la piraterie dans les Caraïbes, la continuation des guerres civiles éternelles dans la Mésoamérique jamais apaisée et la prolifération d'un nouvel anti-américanisme dans le cône sud. La situation s'est aggravée au fil des ans, parallèlement à l'aggravation de la concurrence entre les grandes puissances, ce qui a entraîné l'entrée des plus importantes rivalités eurasiennes dans le grand chaudron ibéro-américain.
Les Iraniens et les Israéliens s'affrontent dans tout le cône sud, de la Guyane à l'Argentine, se faisant les protagonistes d'attaques flagrantes et d'opérations de blanchiment. Leur rivalité a fait plus de 130 morts et plus de 500 blessés entre Buenos Aires et Panama - le torpillage oublié du vol 901 d'Alas Chiricanas - auquel il faut ajouter l'assassinat du procureur argentin Alberto Nisman. Leur rivalité est le contexte dans lequel il faut lire l'interdiction du Hezbollah dans le sous-continent. Dans leur rivalité entrent en jeu ces forces anti-étatiques que sont les cartels de la drogue latino-américains, avec lesquels le Hezbollah trafique des stupéfiants, blanchit de l'argent et par lesquels il entre en contact avec la politique.
Iraniens, Turcs et Saoudiens rivalisent pour l'hégémonisation de l'umma latino-américaine, en finançant des campagnes de prosélytisme, en inaugurant des mosquées, des écoles coraniques et des centres culturels, et en créant, dans la mesure du possible, des enclaves religieuses imperméables utiles à la collecte de renseignements et à la conduite du commerce gris. Ils sont suivis de près, pour des raisons similaires mais avec des méthodes et des résultats différents, par les capitaines de l'Internationale djihadiste, d'Al-Qāʿida à l'État islamique, qui sont présents de Mexico à la Triple Frontière.
Primakov contre Monroe
La Russie n'aurait pu réécrire la fin de la guerre froide, retrouver une place honorable à la table des grands de ce monde, qu'en (re)tournant son regard vers le Sud global et en travaillant avec lui pour dépasser le moment unipolaire. Telle était la conviction d'Evgenij Primakov, le théoricien de la transition multipolaire, dont Vladimir Poutine a puisé la richesse des idées et des visions à l'aube de l'an 2000.
Écrire sur la Russie dans l'hémisphère occidental revient à parler de Primakov. L'éminence grise en devenir de Boris Eltsine, torpillée par la suite lors de la crise yougoslave de 1999, qui a conçu et dirigé en 1997 une tournée en Amérique latine - la première d'un gouvernement russe depuis la fin de la guerre froide - dans le but de réaffirmer la présence de Moscou dans le jardin de Washington. Une réponse, pour Primakov, à la présence "des Américains dans la Caspienne, en Asie centrale et dans la Communauté des États indépendants".
Avec la fin prématurée de l'ère Eltsine, Primakov fut pré-retraité par l'Etat profond mais redécouvert au dernier soir de 1999 et c'est Poutine qui reprendra le dossier latino-américain selon le contenu de la "doctrine Primakov". Mots d'ordre, au moins dans un premier temps - en raison de la priorité donnée au rétablissement des relations avec l'Occident -, modération et proportionnalité.
Le pivotement vers l'Amérique latine de la présidence Poutine a été inspiré par les idées de Primakov, mais aidé par les héritages matériels et immatériels de l'ère soviétique: des avant-postes pro-russes à Cuba et au Nicaragua à l'enracinement de l'anti-américanisme dans de larges segments de la société, de la politique et de l'armée. Des héritages qui ont été nourris et ont conduit à la formation d'axes résistants aux pressions de la superstructure - la doctrine Monroe -, comme avec l'Argentine, le Brésil et le Venezuela, et à la conduite d'interventions hybrides, comme l'envoi de spécialistes de la contre-insurrection à Daniel Ortega et Nicolás Maduro au plus fort des manifestations télécommandées qui menaçaient de les submerger.
Le temps a largement remboursé l'investissement du Kremlin dans le jardin de la Maison Blanche. Les rêves néo-bolivaristes sont morts avec Hugo Chávez, mais le nouvel ordre vénézuélien a survécu à son fondateur et il y a des signes d'une possible rupture du cordon sanitaire dans le cône sud. Le format des Brics a surmonté l'absence du PdL au Brésil, il est en train de s'étendre à l'Argentine et à la Bolivie, où les pro-Morales sont de retour au pouvoir après le coup d'État pro-américain de 2019, et s'efforce de faire une percée dans la dédollarisation du commerce international et intra-américain.
L'histoire a donné raison à Primakov. Car ce que la Russie de l'ère Poutine, exportatrice majeure de produits militaires - périodiquement en tête du classement des principaux fournisseurs d'armes de la région -, gardienne de gouvernements fantoches et propriétaire de bases de collecte de renseignements - au Nicaragua, au Venezuela et à Cuba, où la rumeur court depuis le début de l'année 2000 d'une remise en service de la base de Lourdes - a réalisé là est une démonstration plastique de la lente liquéfaction de la doctrine Monroe.
L'état de crise de la doctrine Monroe, jamais totalement remis des traumatismes de la guerre froide - la grande guerre civile méso-américaine, la saison des dictatures militaires, des morts et des disparus -, a été reconfirmé lors de la guerre en Ukraine, lorsque le jardin par excellence de Washington a refusé en bloc d'envoyer des armes à Kiev, d'appliquer des sanctions à Moscou et s'est révélé, selon les enquêtes de l'OSINT, l'une des régions du Sud global les plus sympathiques au récit russe.
L'Amérique latine, périphérie de la Terre du Milieu
Une menace hémisphérique et un concurrent stratégique. La domination commerciale, les acquisitions stratégiques, le contrôle des infrastructures vitales et les objectifs à long terme font de la République populaire de Chine, aux yeux des États-Unis, une menace hémisphérique et un concurrent stratégique - deux définitions inventées et utilisées dans les cercles politico-militaires.
Les chiffres de l'agenda latino-américain de Pékin suggèrent en effet l'existence d'un défi sans précédent à la domination hégémonique établie de Washington :
- Les échanges entre la Chine et l'Amérique latine sont passés de 12 milliards de dollars en 2000 à 450 milliards de dollars en 2021 ; des chiffres qui, en 2022, feraient de la Chine le deuxième partenaire commercial de toute la région, mais le premier de neuf pays et du cône sud ;
- Trois pays d'Amérique latine ont conclu des accords de libre-échange avec la Chine ;
- Sept pays d'Amérique latine ont conclu des partenariats stratégiques globaux avec la Chine ;
- Onze visites officielles de Xi Jinping dans la région entre 2013 et 2021 ;
- Vingt-et-un pays d'Amérique latine ont signé des documents d'adhésion et/ou de coopération dans le cadre de la mise en œuvre de l'initiative "la Ceinture et la Route" ;
- 137 milliards de dollars prêtés aux gouvernements latino-américains sur la période 2005-2020 par la Banque de développement de Chine et la Banque chinoise d'import-export ;
Les chiffres ci-dessus, ainsi qu'une menace hémisphérique, parlent de la Chine comme d'une puissance extrarégionale qui, selon le Centre d'études du Liechtenstein, disposerait de ressources suffisantes pour modifier de manière permanente le cadre géoéconomique et géopolitique de l'Amérique latine, dans lequel, à condition qu'il y ait une volonté politique exprimée de la part du PCC, elle pourrait façonner une coexistence compétitive avec les États-Unis.
Le fait que Pékin, malgré l'opposition de Washington, soit devenu une puissance extrarégionale ayant un intérêt (permanent ?) pour la région est également démontré par le fait que, hormis les chiffres du commerce et de l'investissement, il a rejoint les conseils d'administration de la Banque interaméricaine de développement et de la Banque de développement des Caraïbes en tant que membre votant.
L'économie pour influencer la politique. La politique pour remettre en cause la doctrine Monroe et la doctrine des deux Chine. L'investissement dans les infrastructures stratégiques et l'exploitation des métaux précieux et rares pour saper l'hégémonie mondiale des États-Unis. La patience stratégique de l'homo sinicus et la myopie distraite de l'homo americanus sont les meilleurs amis de l'Amérique latine et de la Chine.
L'incrustation et la constance ont récompensé la grande stratégie de la Chine dans l'hémisphère occidental. La légitimité internationale de Taïwan ne tient qu'à un fil, que la pluie de désaveux des pays d'Amérique latine a contribué à raccourcir considérablement et qui pourrait être à nouveau coupé - huit des 14 pays qui reconnaissent encore Taipei se trouvent sur le sous-continent, dont l'un a entamé les démarches administratives pour la transition vers une seule Chine en mars 2023, le Honduras, tandis que les sept autres sont tentés par des promesses d'aide, de commerce, d'investissement et de prêts.
La concurrence sino-américaine sévit dans les mines de métaux précieux et de terres rares et sur les chantiers de grands travaux et d'infrastructures stratégiques, mais la pression des Etats-Unis n'a pas toujours, mais alors pas du tout, l'effet escompté. Car s'il est vrai que le Chili a abandonné l'idée du câble sous-marin Valparaiso-Shanghai, il est tout aussi vrai que le Brésil a été le premier bénéficiaire des investissements directs étrangers de la Chine en 2021 et qu'il est le hub régional de Huawei, que le Pérou a vendu sa plus grande compagnie nationale d'électricité à des acheteurs chinois en 2020, et que dans le Triangle du lithium, on parle de plus en plus le mandarin et de moins en moins l'anglais.
La doctrine Monroe à l'épreuve du 21ème siècle
L'offre d'une large gamme de produits à bas prix, l'utilisation intelligente du financement humanitaire et de la coopération au développement, ainsi que les stratégies de projection du soft power ont permis à Pékin de se présenter comme une alternative viable aux yeux des Latino-Américains. Les résultats, visibles, tangibles et quantifiables, ont été une avalanche de transitions vers la politique d'une seule Chine, l'entrée dans des secteurs sensibles de la sécurité nationale américaine - tels que les ports stratégiques en Méso-Amérique -, la longévité accrue des gouvernements anti-américains et l'ouverture de centres de collecte de données à potentiel militaire, dont deux au Chili et en Argentine.
La Russie a capitalisé sur l'héritage soviétique de puissance prolétarienne et anticoloniale et a investi dans la projection de puissance douce, trouvant un soutien clé en Chine et réussissant à magnétiser dans la coalition anti-hégémonique l'Église catholique postérieure à Jean-Paul II qui, désillusionnée par les États-Unis en raison de son rôle dans la protestantisation de l'Amérique latine, se trouve aujourd'hui à l'avant-garde du boycott des forces politiques qui sont l'expression des évangéliques et des pentecôtistes, des électeurs obstinément proaméricains. La rencontre entre les deux éminences à La Havane en 2016 comme acte fondateur de l'Entente russo-romaine pour la transition multipolaire.
Anarchie productive - comme au Nicaragua et au Venezuela -, coups d'État - comme en Bolivie 2019 -, sédition - comme au Brésil 2023 -, réouverture de différends territoriaux non résolus - comme dans les Malvinas/Falklands - ; tout est à lire et à encadrer dans la compétition entre grandes puissances, dont l'un des chapitres les plus importants est l'Amérique latine comme en témoignent les nombreux aspects de son sous-sol fertile: la Grande Dépression américaine alimentée par le PCC, les Triades et les Narcos mexicains, l'encerclement diplomatique accru de Taïwan, la non-participation à la guerre en Ukraine, l'adhésion à la lutte contre le dollar et la lente expansion des avant-postes militaires, de Managua à Ushuaia.
La guerre mondiale actuelle se déroule aussi en Amérique latine. Le désir de Washington de regagner une influence décroissante dans l'hémisphère occidental sera susceptible de produire des coups d'État doux ou durs, une anarchie productive, des insurrections, des révolutions colorées, des interférences électorales et, en dernier recours, des interventions militaires chirurgicales de type Urgent Fury. Les réactions de l'axe Moscou-Beijing seront égales et opposées, allant d'opérations de déstabilisation hybrides à des initiatives diplomatiques (l'arrivée de la Pax Sinica dans le sous-continent ?), en passant par des poussées de dédollarisation et des accords militaires. La doctrine Monroe à l'épreuve du XXIe siècle.
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dimanche, 02 avril 2023
L'ordre juste au Salvador
L’ordre juste au Salvador
par Georges FELTIN-TRACOL
État d’Amérique centrale de 20 742 km² qui donne sur l’océan Pacifique et qui compte plus de six millions d’habitants, le Salvador pratique l’inattendu électoral, la « disruption » politique et le dépassement du clivage gauche – droite incarné en la personne de Nayib Bukele.
Le 3 février 2019, à l’âge de 37 ans, ce candidat « anti-Système » gagne la présidentielle dès le premier tour avec 53,10 %. Son investiture se déroule le 1er juin suivant. Maire de la capitale, San Salvador, de 2015 à 2018, il milite alors au sein de la gauche, inscrit au Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN). Fils d’une chrétienne salvadorienne et d’un homme d’affaires d’origine palestinienne converti à l’islam et qui exerce une forte influence spirituelle sur la communauté musulmane du Salvador, Nayib Bukele délaisse le FMLN et se présente sous les couleurs de la Grande Alliance pour l’unité nationale (GANA), une scission du parti national-conservateur ARENA (Alliance républicaine nationaliste) survenue en 2010. Son élection surprise met un terme à trois décennies de bipartisme entre le FMLN et l’ARENA.
Dans le cadre de la Guerre froide, le Salvador a connu entre 1979 et 1992 une féroce guerre civile. Soutenue par Washington, l’armée salvadorienne affrontait la guérilla d’un FMLN bénéficiaire de l’appui militaire, politique et financier du Nicaragua sandiniste et du castrisme cubain. Le conflit provoqua l’exil de milliers de Salvadoriens en Amérique du Nord. Ils rentrèrent au pays dès la paix revenue. Or, très vite, le Salvador plongea dans une autre hyper-violence orchestrée par les maras, des bandes criminelles de plusieurs centaines de membres au corps tatoué de motifs spécifiques. Des jeunes Salvadoriens en contact étroit dans les ghettos de la côte Ouest avec les gangs adaptèrent la culture de la criminalité made in USA aux mentalités salvadoriennes. La Mara Salvatrucha apparaît à Los Angeles. Un autre groupe existant depuis 1959, la Mara 18, rassemble Chicanos et Latinos. Chaque mara a ses propres rites et conditions d’admission. Toutefois, témoignages et enquêtes policières assurent qu’un homme qui aspire à en rejoindre une doit assassiner une personne quelconque. Si c’est une femme, elle aurait le choix entre un meurtre public et un viol collectif par les membres du groupe.
La fin des combats en 1992 démobilise les combattants des deux camps. Inadaptés à la vie civile, ils intègrent sans trop de difficultés les maras et favorisent un climat de terreur marqué par des homicides quotidiens. Conscient de cette situation délétère, le président Bukele tente d’abord d’obtenir une législation draconienne de la part d’un parlement dominé par ses adversaires politiques de droite et de gauche. L’assemblée refuse. Agacé par ces entraves et cette cohabitation informelle, il pénètre dans l’enceinte de l’Assemblée législative avec des hommes armés, le 9 février 2020, et menace les députés avant de s’en aller, puis de haranguer ses partisans devant le bâtiment. L’opposition le présente comme une personnalité mentalement déséquilibrée et tente de le destituer. Aux législatives du 28 février 2021, triomphe Nouvelles Idées, la nouvelle formation présidentielle conduite par le cousin du chef de l’État, Javier Zablah Bukele : 66,46 % et 56 sièges sur 84. Il faut aussi y ajouter les cinq députés alliés du GANA.
Le président Nayib Bukele adore utiliser les réseaux sociaux. Clivant volontiers, son ironie se fait une fois grinçante sur Twitter à propos d’un déploiement de blindés de la gendarmerie française dans les avenues de Paris à l’occasion d’une manifestation anti-Macron. Bien qu’issu du FMLN, il défend des positions conservatrices en matière sociétale. Il refuse l’homoconjugalité et l’avortement (sauf si l’enfant met en danger la vie de la mère). Les relations sont par conséquent très fraîches avec l’administration Biden en pointe dans le progressisme mortifère. Or, l’économie salvadorienne s’aligne sur les États-Unis dès 2001. Deux ans plus tard, le dollar étatsunien devient la monnaie officielle du Salvador. Libéral en économie et attaché à la souveraineté nationale, le président Bukele parie sur les cryptomonnaies. Le Salvador devient ainsi le premier État de l’histoire à permettre l’utilisation légale du bitcoin et d’autres monnaies virtuelles plus que volatiles. Ce choix audacieux mécontente Washington. Pourtant, au début de son mandat, le jeune président salvadorien ne cachait pas un réel engouement trumpiste. Il reconnaît l’usurpation du Vénézuélien Juan Guaidó; il rompt avec Caracas et le Front Polisario; il interdit à l’Autorité palestinienne d’avoir une ambassade à San Salvador. Pendant la crise covidienne, il se rapproche néanmoins de la Chine et prouve sa maestria dans la gestion sanitaire.
À l’instar de la candidate socialiste en 2007, Ségolène Royal, Nayib Bukele prône à son tour un ordre juste contre une corruption endémique et la domination sanglante des maras considérées d’ailleurs par la Cour suprême du Salvador depuis 2015 comme des « organisations terroristes ». Le président salvadorien leur a déclaré une guerre totale. Afin de les éradiquer et en dépit de rumeurs concernant des négociations secrètes entre lui et certaines parties criminelles, il lance un Plan de contrôle territorial avant de décréter, le 27 mars 2022, l’état d’exception sur l’ensemble du Salvador. En trois jours, près d’une centaine de personnes venaient d’être tuées dans tout le pays. Cette situation exceptionnelle suspend les libertés constitutionnelles et autorise la surveillance des communications, des arrestations simplifiées, des gardes à vue d’une quinzaine de jours et l’allongement de la durée des peines de prison. L’armée arrête quiconque qui porte des tatouages. Pour montrer sa ferme détermination, il a inauguré, le 31 janvier dernier, le Centre de confinement du terrorisme (Cecot). Construit à Tecoluca, cet établissement pénitentiaire ultra-sophistiqué s’étend sur 1,6 km². Il peut accueillir jusqu’à 40 000 détenus. Les cellules sommaires comptent chacune une centaine de personnes. Les détenus n’ont aucune promenade, côtoient les membres des autres maras rivales et ne mangent que deux fois par jour un repas à base de tortillas et de haricots. Le chef de l’État met lui-même en ligne des images du Cecot qui ont fait le tour du monde. Elles montrent des prisonniers enchaînés et peu habillés, courant la tête baissée, dans les coursives de l’établissement pénitentiaire. Il a même ordonné le retrait des pierres tombales des maras trop voyantes sans toutefois toucher aux dépouilles.
Comme on pouvait le supposer, les ONG droits-de-l’hommistes s’indignent de ces conditions de détention. Étrange, leur manie de s’intéresser au sort des pires crapules. On ne les entend pas en revanche sur l’incarcération, parfois inhumaine, de Julian Assange, de Vincent Reynouard et des nombreux « insurgés du Capitole ». Cette politique répressive fait du Salvador en 2022 le pays au plus fort taux d’incarcération au monde (1,7 % de la population adulte emprisonnée) devant les États-Unis.
La population approuve cette juste et implacable répression. Le taux de mortalité violente, l’un des plus élevés de la planète, diminue fortement ! Malgré d’inévitables et regrettables bavures, le Salvador renoue avec une certaine tranquillité. La popularité du président plafonne à 90 % de bonnes opinions… Fort d’une majorité parlementaire qui peut modifier la Constitution, il envisage de supprimer la clause de non-renouvellement de son mandat et de se représenter en 2024.
Si l’on peut se féliciter de l’éradication en cours des maras, on ne peut pas ne pas se demander si le Salvador ne serait pas aussi une expérience en temps réel et en grandeur nature du « libéralisme de surveillance ». La logique libérale du tous contre tous apparue en 1992 a engendré un désordre général. Sa réduction incite à la mise en place de mesures d’urgence qui contribuent à un contrôle global de tout le corps social en pleine anomie. L’usage dans ce contexte de cryptomonnaies qui ne disposent pas de billets, ni de pièces serait peut-être un signe inquiétant supplémentaire de domestication comportementale collective.
Nonobstant ce fort doute, l’exemple salvadorien confirme qu’avec une volonté impérieuse, il est possible de contenir et d’arrêter l’ensauvagement de la société. L’Hexagone en proie à une insécurité généralisée croissante attend pour l’instant en vain son Nayib Bukele sans son tropisme numérique superfétatoire.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 67, mise en ligne le 28 mars 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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mercredi, 29 mars 2023
Le Pakistan refuse de participer au "Sommet pour la démocratie"
Le Pakistan refuse de participer au "Sommet pour la démocratie"
Source: https://katehon.com/ru/news/pakistan-otkazalsya-ot-uchastiya-v-sammite-za-demokratiyu
Mardi, 28 Mars 2023
Le Pakistan ne participera pas au deuxième "Sommet pour la démocratie" car il n'est pas prêt à prendre "certains engagements nationaux" que ce mode de dialogue international implique. Voilà ce qu'a déclaré mardi le bureau de presse du ministère des Affaires étrangères de la République islamique.
"Le Pakistan n'a pas participé au sommet, qui a été lancé en 2021 et qui exigeait des pays qu'ils prennent certains engagements nationaux. Le processus du sommet est maintenant à un stade avancé, le Pakistan s'engagera donc avec les États-Unis et les pays coprésidents sur une base bilatérale pour promouvoir et renforcer les principes et les valeurs démocratiques, ainsi que pour promouvoir les droits de l'homme et lutter contre la corruption", a déclaré le ministère pakistanais des Affaires étrangères dans un communiqué.
"Nous sommes reconnaissants aux États-Unis et aux pays coprésidents d'avoir invité le Pakistan à participer au deuxième sommet pour la démocratie qui se tiendra les 29 et 30 mars 2023. Nous apprécions notre amitié avec les États-Unis. Sous l'administration du président Joe Biden, nos relations ont évolué de manière tangible. Nous restons déterminés à renforcer notre coopération pour la paix, la stabilité et la prospérité", a déclaré le bureau.
Le deuxième sommet pour la démocratie se tiendra sous forme virtuelle et sera coprésidé par la Zambie, le Costa Rica, les Pays-Bas, la République de Corée et les États-Unis les 29 et 30 mars.
Le premier sommet sur la démocratie a été organisé par les États-Unis par vidéoconférence en décembre 2021. Les autorités américaines ont invité 110 États et territoires à y participer. La liste comprend l'île de Taïwan, mais pas la Chine, ainsi que la Russie, la Turquie, l'Égypte et d'autres pays. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a noté que l'événement représentait principalement les pays qui suivent la politique de Washington, ainsi que certains de ceux qui, avec leur propre vision de l'ordre international, veulent maintenir de bonnes relations avec les États-Unis.
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Poutine gère le timing pour que l'effondrement anglo-saxon n'entraîne pas le monde dans une guerre nucléaire
Poutine gère le timing pour que l'effondrement anglo-saxon n'entraîne pas le monde dans une guerre nucléaire
Par Marcelo Ramirez
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/putin-administra-los-tiempos-para-que-la-caida-anglosajona-no-arrastre-al-mundo-a-una-guerra-nuclear-por-marcelo-ramirez/
L'hiver s'est enfin achevé et l'offensive russe attendue n'a jamais eu lieu. Oui, nous avons assisté à une avancée lente mais constante dans la zone la plus fortifiée du Donbass, s'emparant pratiquement de Bakhmut (Artemovsk en russe) et menaçant d'encercler Avdivka.
L'offensive russe repose sur l'utilisation des troupes du Groupe Wagner comme bélier, sans faire appel aux troupes régulières russes et aux fameux Tchétchènes de Kadirov, qui ne jouent pas un rôle de premier plan comme au début.
La Russie a décidé d'utiliser une tactique d'avancées lentes avec un double objectif : diminuer ses propres pertes et augmenter les dommages causés aux troupes de l'OTAN combattant sous le drapeau ukrainien.
Les services de renseignement britanniques, une source bizarre fièrement et fréquemment utilisée par la presse occidentale, répètent cycliquement que la Russie est épuisée, que son armée est inefficace, que les armes russes sont obsolètes et d'autres faits qui ne tiennent pas la route lorsque l'on regarde la réalité. La Russie est confrontée aux 28 pays de l'OTAN, plus ceux qui tentent de la rejoindre et les pays amis, soit une quarantaine de nations. Malgré cela, la Russie a toujours eu l'initiative militaire et, après treize mois, elle continue de donner le ton à la compétition. La question la plus appropriée serait peut-être de savoir si la Russie veut vraiment gagner la guerre contre l'Ukraine, car sa confrontation est en réalité avec l'Occident, c'est-à-dire le monde anglo-saxon et sa périphérie, et elle est vitale.
La Russie s'est attaquée aux villes fortifiées ukrainiennes, de Marioupol à Bakhmut et Avdivka, localités que nous avons déjà mentionnées. Après l'avancée initiale, les troupes ont reculé et se sont concentrées sur les territoires russophones, d'où elles ont infligé d'énormes dégâts aux troupes ennemies. Moscou aurait pu lancer une offensive de toutes ses forces, balayer le régime de Kiev, mais outre les possibilités d'affrontement avec l'OTAN, il y a un point que nous voulons soulever pour essayer de comprendre la stratégie russe. Poutine sait qu'il est en fait confronté à l'ensemble de l'Occident collectif, qui dispose d'un énorme potentiel militaire et d'armes nucléaires.
La décision de l'OTAN de démembrer la Russie n'est un secret pour personne et les signes se multiplient, qu'il s'agisse de l'avancée aux frontières de la Russie ou de l'encouragement des processus de décolonisation en cours visant à diviser la Fédération en au moins 35 États plus petits. Pour faire face à ce mastodonte militaire et économique, il fallait du temps et une stratégie claire. Les sanctions étaient attendues et ont été résolues de telle sorte que la Russie a enregistré des excédents records depuis le début de l'affrontement armé. Sur le plan économique, la Russie est autonome et soutenue par des pays tels que la Chine. De ce côté, elle est blindée.
Le deuxième aspect à prendre en compte est que l'Occident, dans son effondrement, recherche la guerre comme moyen d'arrêter le processus de perte d'hégémonie qu'il subit. Nous ne pouvons pas ignorer les divers courants politiques internes, comme le trumpisme aux États-Unis, qui s'opposent à l'affrontement avec la Russie. Convaincre l'ensemble de l'establishment et les forces armées elles-mêmes de la nécessité d'une guerre avec la Russie n'est pas une mince affaire et doit avoir des justifications valables pour ceux qui s'y opposent. La Russie a l'occasion d'aiguiser ces contradictions tout en continuant à renforcer et à affaiblir l'appareil militaire et industriel de ses ennemis atlantistes. La stratégie semble consister à impliquer l'OTAN de manière mesurée dans le conflit en Ukraine, sur un terrain et dans des conditions extrêmement défavorables. Ses forces navales, son principal atout militaire, sont trop limitées pour agir et elle n'a pas la possibilité d'envoyer ses troupes directement, du moins actuellement. Les dissensions internes, les problèmes économiques et les sociétés déconstruites de l'Occident offrent à la Russie une excellente occasion de créer un chaudron, un creuset où faire fondre les potentialités du monde atlantiste.
Une avancée dévastatrice mettrait fin au conflit ; cependant, une avancée provocatrice, mais en même temps avec de petites fissures que la propagande de l'ennemi amplifie naturellement, permet à Poutine d'obtenir de l'OTAN qu'elle envoie du matériel, des armes et des munitions à Kiev. L'escalade même du type, de la quantité et de l'ampleur des armements a été progressive, permettant aux militaires russes de détruire méthodiquement l'arsenal et d'affaiblir les structures militaires de l'organisation. Nous voyons sans peine les avertissements des officiers militaires américains sur les problèmes que la presse tente de dissimuler. L'OTAN est à court de munitions, elle a perdu tout son arsenal de l'époque soviétique en Europe de l'Est, mais plus grave encore, elle a démontré que sa capacité de production militaire est inférieure à celle de la seule Russie, qui peut en outre compter sur le soutien de l'Iran, de la Corée du Nord et de la Chine.
Dans le même temps, Moscou a généré des tensions au sein du bloc ennemi, des divergences apparaissent naturellement et l'attitude de Washington, qui subordonne des pays comme l'Allemagne à ses besoins, est une bombe à retardement qui ne demande qu'à exploser. Les pressions internes ont pour toile de fond des sanctions économiques qui se sont comportées comme un boomerang, comme une perte de marchés et de pouvoir d'achat, couplée à des pays producteurs de pétrole qui ne se plient pas aux ordres anglo-saxons, créent un environnement qui appelle à la stratégie d'utilisation de l'Ukraine comme un bélier. L'Occident collectif ne peut soutenir indéfiniment l'effort militaire et économique en Ukraine sans s'affaiblir et se fissurer.
La Russie sait que le territoire est secondaire dans sa stratégie et qu'il sera la conséquence de son triomphe final, mais en attendant, elle l'utilisera si nécessaire pour écraser les forces ennemies. Les retraits partiels de Moscou ne sont peut-être pas une erreur de calcul, mais bien une stratégie planifiée. Ce n'est pas une consolation pour les imbéciles, comme le prétendent les propagandistes de l'OTAN en expliquant cette possibilité, si la Russie a été capable d'avoir des plans de contingence pour contourner les sanctions et a même acheté une flotte de 300 pétroliers à des armateurs grecs. Cette flotte lui a permis de contourner le blocus pétrolier, faisant échouer la stratégie atlantiste. Cela s'est fait subrepticement alors que l'Occident annonçait des sanctions qui ne seraient pas efficaces simplement parce que Poutine les a anticipées, nous devons penser qu'il y a une forte possibilité que ce à quoi nous assistons soit soigneusement planifié.
La Russie, dans son histoire, a toujours su utiliser les guerres d'usure, même dans des conditions d'attaques relativement surprenantes. Poutine avait déjà commencé à avertir l'Occident de sa politique en 2007, il a donc eu au moins 15 ans pour se préparer à l'affrontement. S'il s'y est préparé dans tous les domaines, il est frappant de constater que dans le domaine militaire, il ne s'agit que d'improvisation, comme nous le dit la presse occidentale.
La Russie a créé des chaudrons où elle fait fondre les armes et les équipements occidentaux tout en utilisant les sanctions à son avantage en bloquant la livraison de matières premières essentielles pour l'industrie militaire, comme le titane et l'antimoine, parmi des dizaines de composants clés. Un Occident qui s'était engagé dans la spéculation financière et la construction d'un monde de papier très utile tant que les nations obéissaient à ses ordres. Mais il a suffi à la Russie de dire que c'en était assez pour montrer que le roi était bel et bien nu.
Dans le sillage de la Russie, d'autres nations mal à l'aise avec la situation hégémonique des États-Unis se joignent à elle.
La Chine a commencé à démontrer publiquement que son histoire d'amour est avec Moscou, l'Arabie saoudite a conclu un accord jusqu'ici impensable avec l'Iran et Israël, alors qu'elle est l'allié occidental qui avait préféré jusqu'ici rester dans cette position plutôt que de rejoindre les hôtes multipolaires, est devenu une tempête. Cet accord irano-saoudien, réalisé grâce à la diplomatie chinoise, constitue également un socle sur lequel la Chine va supplanter le dollar dans le commerce du pétrole au Moyen-Orient.
L'Inde continue de faire des affaires extraordinaires avec le pétrole russe, malgré les souhaits contraires de l'Occident, la Turquie vacille et si Erdoğan confirme son leadership lors des prochaines élections, nous pourrions assister à des surprises. Le monde non occidental commence à se révolter. Le gouvernement tchadien a déclaré la nationalisation de tous les biens et droits, y compris les permis d'exploitation et de production d'hydrocarbures, appartenant à une filiale de la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil, qui s'est empressée de vendre ses parts, ce que la nation africaine a refusé.
Faut-il plus que ces nouvelles pour comprendre l'effondrement en cours de l'Occident? La politique d'usure pratiquée par la Russie est en train d'éroder son véritable ennemi anglo-saxon. La conviction initiale que l'Occident allait gagner la guerre par l'usure qu'il faisait subir à la Russie s'est évanouie en l'espace de 13 mois. Les notions occidentales d'accords de paix ne sont que la preuve que, comme un boxeur qui a reçu un coup écrasant, il cherche une trêve pour se rétablir. Il serait très étrange que la Russie cède à ce stade, et elle continuera certainement à poursuivre son plan, lentement mais sûrement. Poutine ne peut pas accélérer les choses car l'effondrement anglo-saxon doit se faire de manière à ne pas entraîner le monde dans une guerre nucléaire.
La pression sur la Chine n'a pas fonctionné, le plan de paix est juste t équilibré, et donc inacceptable pour l'Occident, qui serait publiquement défait s'il l'acceptait. Poutine dit donc oui, mais le problème, ce n'est pas moi, c'est Zelensky, tandis que les responsables américains font des déclarations de soutien militaire à l'Ukraine. Les deux parties veulent apparaître comme des artisans de la paix, mais selon leurs propres termes, Poutine veut aller jusqu'au bout contre les structures atlantistes, c'est son objectif. S'il s'arrête maintenant, ce doit être dans des conditions suffisamment claires pour que le monde comprenne que l'OTAN a été vaincue. Cela accélèrerait un effet de cascade avec la sortie du dollar et précipiterait l'effondrement final. L'Occident veut donner une image de paix, mais en même temps montrer qu'il a écrasé la Russie, pour éviter l'effet mentionné ci-dessus. Tant que cette situation perdurera, la Russie poursuivra son action de démolition, sachant que le temps joue en sa faveur.
Lula, après avoir communiqué avec Biden et les principaux dirigeants occidentaux, annonce un voyage en Chine avec un message pour créer un "Club de la Paix", où Pékin resterait neutre. Les cartes sont désormais claires : Lula est le porte-parole de la proposition occidentale visant à éloigner la Chine de la Russie. Le président brésilien a rejeté la présidence des BRICS cette année, tout en acceptant la présidence du G20, un fait qui parle de lui-même. Le Brésil reste dans l'orbite des États-Unis et la libération de Lula n'a pu se faire qu'avec l'approbation de Washington, tout comme sa victoire lors d'une élection avec un bulletin de vote inexistant face à des allégations de fraude. La réponse de la Chine aurait probablement été un remerciement suivi d'invocations de vœux de paix, mais sa politique a été scellée par le voyage de Xi à Moscou. Cependant, quelque chose semble avoir changé et le discours de Pékin s'est durci ces derniers jours. A cette occasion, il s'est passé quelque chose puisque Lula a suspendu le voyage pour une durée indéterminée en invoquant des problèmes de santé. Il convient de noter que son ministre Haddad a également annulé son voyage en Chine et que l'agenda du président brésilien semble se concentrer sur les questions intérieures brésiliennes.
Le voyage comprenait également une série d'accords commerciaux et technologiques, et l'explication de la pneumonie, qui lui permet toutefois de poursuivre son activité politique, semble en réalité répondre au refus de la Chine de jouer le rôle attendu. Habituellement, de telles initiatives font l'objet d'un accord entre les ministères des affaires étrangères des deux pays, de sorte qu'il n'y a pas de divergences entre les présidents. Dans le cas présent, il est fort probable que l'annonce de Lula ait été unilatérale, ce qui a provoqué un malaise en Chine. Il est possible que l'annulation soit due à la pression de Washington, mais compte tenu de l'ensemble du contexte, cela ne semble pas probable. Les BRICS sont en fait les RICS, la position du Brésil est aujourd'hui celle d'une subordination à Washington et à ses politiques mondialistes, la Russie le sait et c'est pourquoi, malgré la victoire de Lula et son progressisme, les paris de Moscou ont été revus à la baisse. Poutine a longuement travaillé avec la Turquie pour la maintenir dans une position proche, il fera de même avec le Brésil, mais l'axe de ses intentions ne passera pas par les BRICS, du moins pas avant un changement profond dans ce pays.
En Russie, on espère que la guerre sera terminée avant la fin de l'année. C'est quelque chose que la Russie pourrait faire si elle le voulait vraiment, mais aujourd'hui, la meilleure option semble être de continuer à créer ces chaudrons ukrainiens qui consomment les capacités de l'Occident. Pour ce faire, Moscou doit maintenir une apparence de faiblesse qui encourage l'OTAN à envoyer de plus en plus d'armes, tout en veillant à ne pas nuire à sa population.
Pourquoi le Royaume-Uni, qui n'envoie que 14 chars Challenger II, insiste-t-il pour envoyer des munitions à l'uranium appauvri ? La réponse est implicite: Londres, qui, contrairement aux États-Unis, est totalement alignée sur son objectif, soupçonne la Russie de jouer le jeu de l'attrition tout en conservant une position confortable. Si ces munitions sont utilisées sur le champ de bataille, elles contamineront des territoires que la Russie a aujourd'hui intégrés dans sa souveraineté et affecteront ses citoyens. Pourra-t-elle, dans ce cas, suivre le plan de destruction lente et systématique de Poutine ou devra-t-elle donner des réponses internes à l'appel à l'action ?
Les paroles de Medvedev sont un guide à suivre car il est celui qui dit ce que Poutine pense mais ne verbalise pas. À la déclaration de la ministre britannique de la défense, Annabel Goldie, selon laquelle elle enverrait des chars équipés de telles munitions, le Russe a répondu que "l'Ukraine doit évaluer les conséquences de l'utilisation d'uranium appauvri et se demander s'il faut ouvrir la "boîte de Pandore" et permettre à l'Occident de fournir de telles munitions". Par ailleurs, Annika Klose, députée allemande, s'est rendue en Argentine la semaine des célébrations du 8M et a déclaré que "les partis progressistes ont besoin d'une plus grande participation des femmes". Est-ce là le problème ?
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mardi, 28 mars 2023
Henry Kissinger : "la deuxième guerre froide sera encore plus dangereuse que la première"
Henry Kissinger: "la deuxième guerre froide sera encore plus dangereuse que la première"
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/henry-kissinger-la-segunda-guerra-fria-sera-todavia-mas-peligrosa-que-la-primera/
À l'approche de son centième anniversaire, qui aura lieu le 27 mai, l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger a déclaré que "la deuxième guerre froide sera encore plus dangereuse que la première".
Selon lui, la volonté des puissances occidentales d'"attendre que la Chine s'occidentalise" est une perte de temps inutile.
En ce qui concerne le rôle de l'OTAN dans le conflit ukrainien, il a déclaré : "L'OTAN était la bonne alliance pour faire face à une Russie agressive lorsque la Russie était la principale menace pour la paix mondiale", a-t-il déclaré. "Et l'OTAN est devenue une institution qui reflète le partenariat entre l'Europe et les États-Unis d'une manière presque unique. C'est pourquoi il est important de la maintenir. Mais il est également important de reconnaître que les grandes questions vont se poser dans les relations entre le Moyen-Orient et l'Asie, d'une part, et l'Europe et l'Amérique, d'autre part. En ce sens, l'OTAN est une institution dont les composantes n'ont pas nécessairement des points de vue compatibles. Ils se sont engagés en Ukraine parce que cela leur rappelait les anciennes menaces et ils l'ont très bien fait. Je soutiens ce qu'ils ont fait. La question est maintenant de savoir comment mettre fin à cette guerre. En fin de compte, nous devons trouver une place pour l'Ukraine et une place pour la Russie, si nous ne voulons pas que la Russie devienne un avant-poste de la Chine en Europe".
Sur sa première impression de Poutine, lorsqu'il l'a rencontré dans les années 1990, Kissinger a déclaré : "Il m'a semblé être un analyste réfléchi". "Il avait une vision de la Russie comme une sorte d'entité mystique qui a été maintenue ensemble à travers 11 fuseaux horaires par une sorte d'effort spirituel. Et dans cette vision, l'Ukraine a joué un rôle particulier. Les Suédois, les Français et les Allemands ont traversé ce territoire lorsqu'ils ont envahi la Russie et ont été en partie vaincus parce que ce voyage les a épuisés. Telle est la vision de Poutine.
Kissinger, responsable des processus dictatoriaux pendant la guerre froide en Amérique latine, a expliqué dans une interview au quotidien espagnol El Mundo que le nouveau conflit mondial opposera les deux grandes puissances que sont la Chine et les États-Unis : "Deux pays ayant la capacité de dominer le monde - les États-Unis et la Chine - s'affrontent en tant que concurrents ultimes. Ils sont régis par des systèmes internes incompatibles. Et c'est aussi à ce moment-là que la technologie fait qu'une guerre pourrait renverser la civilisation, voire la détruire".
"Je ne pense pas que la domination du monde soit un concept chinois, mais ils pourraient devenir tout aussi puissants. Et ce n'est pas dans notre intérêt", a ajouté l'ancien secrétaire d'État, expliquant que Washington et Pékin "ont une obligation commune minimale d'empêcher une collision catastrophique".
Il a ajouté que, contrairement à la première guerre froide entre l'URSS et les États-Unis, les deux pays disposent aujourd'hui de ressources économiques comparables et les technologies de destruction sont encore plus terrifiantes, notamment avec l'avènement de l'intelligence artificielle.
14:05 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henry kissinger, etats-unis, chine, politique internationale, guerre froide | |
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Le ministre autrichien des Affaires étrangères plaide pour la raison : "La Russie ne disparaîtra pas du globe"
Le ministre autrichien des Affaires étrangères plaide pour la raison : "La Russie ne disparaîtra pas du globe"
Source: https://zuerst.de/2023/03/25/oesterreichischer-aussenminister-plaediert-fuer-vernunft-russland-wird-nicht-vom-globus-verschwinden/
Vienne. Le ministre autrichien des Affaires étrangères Alexander Schallenberg (ÖVP), qui n'est en aucun cas un ami de la Russie, a néanmoins appelé à la raison dans les relations entre l'Occident et la Russie. Dans une interview accordée à l'agence de presse Reuters, il a réaffirmé son point de vue selon lequel la Russie continuera à jouer un rôle pour l'Europe à l'avenir. Une déconnexion totale dans tous les domaines est illusoire. "La Russie ne disparaîtra pas du globe et restera notre plus grand voisin. Dostoïevski et Tchaïkovski feront toujours partie de la culture européenne, que cela nous plaise ou non".
Dans ce contexte, Schallenberg a également défendu la Raiffeisen Bank International (RBI), actuellement sous le feu des projecteurs pour ses activités qu'elle maintient en Russie. "Je pense qu'il faut laisser l'église au milieu du village", a déclaré le chef de la diplomatie viennoise. "Seuls 9% des entreprises occidentales se sont retirées de Russie, 91% y sont encore et font ce qui est raisonnable dans la situation : attendre". Choisir une entreprise parmi des centaines de milliers d'autres n'est pas une bonne idée.
Le deuxième établissement financier autrichien examine depuis plus d'un an toutes les options stratégiques pour ses activités en Russie, jusqu'à un retrait. La pression pour se retirer du pays vient surtout de l'Ukraine. Un retrait de Russie ne fait toutefois pas partie de la politique de sanctions, a précisé M. Schallenberg. "Il y a des exigences qui vont bien au-delà de ce qui fait partie des sanctions américaines ou européennes", a déclaré M. Schallenberg, en soulignant que la Bank of America ou UniCredit étaient également présentes en Russie. "La liste est un 'who is who' du monde bancaire occidental" (mü).
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13:51 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : autriche, russie, europe, affaires européennes, politique internationale, alexander schallenberg | |
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La doctrine de la concurrence stratégique
La doctrine de la concurrence stratégique
Leonid Savin
Source: https://www.geopolitika.ru/article/doktrina-strategicheskoy-konkurencii
Le Pentagone se prépare à des conflits prolongés
Le 10 février 2023, le Joint Concept for the U.S. Armed Forces Competition a été rendu public. Ce document a été élaboré sous les auspices de l'état-major interarmées et signé par son président, le général Mark Milley. Il appartient au domaine de la doctrine et est non classifié, c'est-à-dire que le niveau de commandement du Pentagone l'a déjà lu et qu'il est maintenant rendu public.
L'idée de base de ce concept est que "les forces combinées ont élargi leur pensée et leurs approches compétitives. Une force interarmées dotée d'un état d'esprit compétitif considérera la concurrence stratégique comme un ensemble complexe d'interactions dans lequel la force interarmées contribue à l'effort plus large du gouvernement américain pour acquérir une influence, un avantage et un effet de levier sur d'autres acteurs et, en fin de compte, pour obtenir des résultats stratégiques favorables. Avec ses partenaires interagences, la force conjointe peut créer des opportunités concurrentielles en utilisant les capacités militaires pour sonder de manière proactive les systèmes adverses afin d'identifier les vulnérabilités ; établir des comportements que la force conjointe peut utiliser en cas de crise pour dissimuler les intentions des États-Unis jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour réagir efficacement ; déplacer la concurrence vers des domaines où les États-Unis peuvent utiliser leurs avantages, leur effet de levier et leur initiative ; et tenter d'obtenir des résultats stratégiques favorables en utilisant les capacités militaires.
Une décision assez raisonnable si l'on considère qu'en cas de conflit ouvert, les États-Unis ne seront probablement pas en mesure de soutenir une guerre sur deux fronts (avec la Russie et la Chine), comme l'ont prévenu un certain nombre de stratèges américains. Ils auront donc recours à une stratégie de tromperie et tenteront de sonder les faiblesses de leurs adversaires, à savoir la Russie et la Chine.
Pour ce faire, un certain nombre de tâches doivent être accomplies :
"Développer une pensée compétitive. La pensée compétitive commence par la reconnaissance du fait que nos adversaires ont un concept de guerre très différent; ils ont l'intention de vaincre les États-Unis sur le plan stratégique sans recourir à un conflit armé pour nous vaincre sur le plan militaire".
"La pensée compétitive implique également de percevoir la concurrence stratégique comme un défi permanent et durable en matière de sécurité nationale, d'accepter la contribution importante mais complémentaire des forces américaines à la concurrence stratégique et, le cas échéant et si nécessaire, de développer, concevoir et déployer les forces et les capacités nécessaires pour soutenir les efforts compétitifs d'autres ministères et agences du gouvernement américain".
Façonner l'espace concurrentiel. L'espace concurrentiel est vaste, amorphe et indéfinissable. En le divisant en sous-domaines gérables et plus compréhensibles pour l'analyse et la planification, la force conjointe pourra élaborer des stratégies concurrentielles globales ciblant les sous-domaines les plus susceptibles d'aboutir à un succès stratégique. Sous la direction du président ou du secrétaire à la défense, la force interarmées façonnera l'espace concurrentiel afin d'optimiser son influence, ses avantages et son influence sur les adversaires et, en fin de compte, d'obtenir des résultats stratégiques favorables.
Lorsque les intérêts des États-Unis et de l'adversaire se recoupent, la force interarmées s'engage de manière sélective auprès de l'adversaire et recherche les possibilités de coopérer avec lui pour un bénéfice mutuel dans la poursuite d'intérêts stratégiques communs ou complémentaires (par exemple, la lutte contre le terrorisme, la piraterie).
Promouvoir une campagne intégrée. Une campagne intégrée repose sur l'idée que la force conjointe ne peut et ne doit pas agir seule dans la compétition stratégique. Même lorsqu'elle dispose de ressources prépondérantes, la force interarmées mène généralement une campagne en soutien à d'autres départements et agences du gouvernement américain. La force interarmées identifiera les approches qui lui permettront d'appliquer ses capacités militaires de manière proactive, et dans certains cas différemment, afin d'acquérir une influence, un avantage et un effet de levier sur les adversaires pour créer les conditions nécessaires à l'obtention de résultats stratégiques".
Le concept de campagne intégrée interarmées et la doctrine émergente de l'intégration globale (le premier concept de ce type a été publié en mars 2018) et des opérations intégrées au niveau mondial exigent l'intégration des actions des forces interarmées et leur alignement sur celles des partenaires interagences et alliés au niveau opérationnel. Il est noté que les forces interarmées doivent rechercher les possibilités d'intégrer leurs opérations dans le temps, l'espace et l'objectif avec celles des partenaires interagences, des mandataires et des substituts.
Ces dispositions montrent que les États-Unis appliquent deux poids, deux mesures, puisqu'ils sont prêts à collaborer avec leurs adversaires sous n'importe quel prétexte lorsque c'est nécessaire. En outre, la mention des mandataires et des substituts suggère que le système américain s'efforce constamment de développer ses agents à l'étranger, qui peuvent être utilisés à ses propres fins si nécessaire.
Étant donné que la concurrence stratégique est évoquée depuis longtemps et qu'un certain nombre de groupes de réflexion américains, tels que la RAND et le CSIS, ont déjà publié des études et des rapports sur le sujet, on peut supposer que ce phénomène a été adopté comme un impératif de la politique étrangère des États-Unis, y compris l'utilisation de la force militaire.
Le document définit la concurrence stratégique comme "une lutte persistante et à long terme entre deux ou plusieurs adversaires cherchant à poursuivre des intérêts incompatibles sans nécessairement s'engager dans un conflit armé". La concurrence normale et pacifique entre alliés, partenaires stratégiques et autres acteurs internationaux qui ne sont pas potentiellement hostiles va au-delà de ce concept".
Elle confirme également les intérêts de Washington et sa volonté de jouer le tout pour le tout face à ses adversaires désignés, qui sont officiellement la Chine, la Russie, l'Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC).
Lisons la suite. "Dans la compétition stratégique, le succès signifie conserver la latitude de poursuivre les intérêts nationaux à un risque et à un coût acceptables et éviter un conflit armé avec les adversaires.
L'avantage concurrentiel peut être obtenu en déplaçant la concurrence vers des domaines où les États-Unis disposent d'un avantage relatif durable sur leurs adversaires, de sorte que nos actions maintiennent nos adversaires sur la défensive stratégique ou les obligent à réagir d'une manière relativement coûteuse ou contre-productive pour eux à la lumière de leurs objectifs stratégiques. Par exemple, l'une des forces relatives à long terme des États-Unis est leur capacité à constituer et à diriger de vastes coalitions d'alliés et de partenaires. Ces domaines peuvent être considérés comme des positions ou des conditions d'asymétrie concurrentielle, d'effet de levier concurrentiel ou d'initiative concurrentielle. L'asymétrie concurrentielle entre les acteurs existe partout où il y a des différences - notamment en matière d'intérêts, de volonté politique, de stratégies, de positions, de capacités, d'interactions et de relations - et ces différences donnent lieu à des avantages et des désavantages distincts en fonction du contexte".
En effet, historiquement, les États-Unis ont créé des alliances politico-militaires qu'ils ont gérées dans leur propre intérêt. De l'OTAN à l'ANZUS, en passant par les relativement nouvelles QUAD et AUKUS, Washington a toujours pris la tête de ces alliances.
Parmi les exemples de concurrence stratégique, on peut citer la lutte entre Athènes et Sparte, l'ère des royaumes combattants en Chine, le Grand Jeu entre la Grande-Bretagne et l'Empire russe de 1830 à 1907, la lutte entre l'Allemagne et la France pour la domination de l'Europe, qui a débuté en 1870, et la guerre froide entre l'URSS et les États-Unis, y compris les guerres locales dans diverses régions.
Le document est rédigé dans un esprit de réalisme politique, puisqu'il fait constamment référence aux intérêts nationaux et à l'équilibre des forces.
Il précise que "par définition, la concurrence stratégique implique la poursuite d'intérêts nationaux. Lorsque ces intérêts sont jugés critiques ou fondamentaux, les nations paieront un prix élevé, en termes de sang et de biens de valeur, pour défendre ou promouvoir ces intérêts, jusqu'au conflit armé. Toutefois, le pouvoir destructeur des conflits armés contemporains est tel que, dans le contexte de la nature durable de la concurrence stratégique, leur utilisation peut s'avérer, au mieux, trop coûteuse et, au pire, totalement contre-productive. Pour éviter cela, les acteurs doivent être convaincus qu'ils peuvent progresser vers leurs objectifs stratégiques sans mettre en péril de manière inacceptable leurs intérêts nationaux.
Pour maintenir un tel équilibre et éviter l'escalade, il faut un rapport de force mutuellement acceptable dans lequel toutes les parties estiment que les avantages concurrentiels de leurs adversaires ne représentent pas un risque inacceptable pour leurs propres intérêts".
Il y a cependant une insertion qui se rapporte à la théorie du libéralisme dans les relations internationales.
Il est dit que "bien qu'il n'y ait pas d'organe souverain ou de "juge" pour la concurrence stratégique, il existe toujours des lois, des accords et des normes internationaux généralement acceptés (ci-après "règles") qui déterminent la manière dont les acteurs internationaux doivent se faire concurrence. Ces règles ont un impact significatif sur la manière dont se déroulent les interactions dans le cadre de la concurrence stratégique. Les États ont tendance à interpréter les règles à leur avantage, mais un système international stable et ouvert atténue et limite le comportement international dans un effort généralement fructueux pour limiter les conflits internationaux. En conséquence, les pays rivalisent pour accroître leur capacité à influencer le système international et les règles régissant les interactions internationales. Le CCM part du principe que le maintien de la position dominante des États-Unis dans un système international stable et ouvert restera un objectif prioritaire de sécurité nationale. En s'engageant dans l'environnement de l'information et dans d'autres activités concurrentielles, la force interarmées peut continuer à jouer un rôle de soutien dans l'élaboration des normes internationales et dans l'établissement de principes de comportement responsable sur la scène internationale".
Ici encore, nous voyons ces "règles" dont Washington parle constamment, tout en ne cachant pas qu'elles sont nécessaires parce qu'elles aident à maintenir le leadership des États-Unis.
Il poursuit en disant que "l'espace concurrentiel est différent des entités ou des activités concurrentes. Il s'agit d'un "terrain de jeu" sur lequel les acteurs internationaux sont en concurrence. L'ensemble de l'espace concurrentiel est trop vaste et trop complexe pour être traité directement dans le cadre d'une approche stratégique unique. L'espace concurrentiel doit être divisé en sous-espaces gérables qui se prêtent mieux à l'analyse et à la planification et qui permettent de se concentrer sur les domaines de la concurrence stratégique qui correspondent aux priorités des États-Unis.
La sélection de sous-zones sur la base d'une évaluation de l'impact de l'environnement concurrentiel sur les intérêts nationaux des États-Unis permettra d'éliminer les conflits et de synchroniser et d'intégrer les opérations, les activités et les investissements conjoints au sein des sous-zones et entre elles".
À la p. 13 du texte exposant la doctrine, on trouve un diagramme intéressant montrant ces sous-domaines et leurs interrelations. Quatre domaines principaux se chevauchent : cognitif, géographique, zonal et thématique. Le domaine cognitif comprend l'idéologie, l'éducation, l'information et l'innovation. Le géographique représente les régions de la planète - les États-Unis eux-mêmes, l'Amérique latine, l'Europe, l'Afrique, l'Asie du Sud avec l'océan Indien, l'Arctique, l'Asie centrale, le Moyen-Orient et l'Asie de l'Est avec l'océan Pacifique. Les composantes zonales sont celles liées aux types de forces armées, c'est-à-dire la terre, la mer, le cyberespace, l'air et l'espace. Le volet thématique comprend l'ordre international, les marchés mondiaux, le climat, la sécurité, la médecine, la technologie et l'extrémisme violent. Tous ces sujets sont traités par l'armée américaine. Les religions, les médias, la sociologie et l'ethnographie sont donc au centre des intérêts du Pentagone, comme beaucoup d'autres.
L'exemple de la Chine montre comment la concurrence stratégique fonctionne dans la pratique. L'accent est mis sur l'intérêt de la Chine pour la région arctique et sur les efforts déployés par Pékin pour entrer dans l'Arctique et y acquérir un statut pertinent (la Chine se définit comme une puissance proche de l'Arctique).
Les instruments de la puissance nationale qui peuvent être utilisés sont notamment les suivants :
- Diplomatique ;
- informationnels ;
- militaire ;
- économiques ;
- financiers ;
- le renseignement ;
- juridique ;
- socioculturel ;
- technologique ;
- commercial-industriel ;
- géophysique (environnement) ;
- idéologique-théologique ;
- la santé publique.
Il s'agit là encore d'une catégorie assez large. L'armée américaine se prépare à travailler intensivement dans ce système complexe de relations.
Si le domaine des conflits de forces militaires parle de dissuasion traditionnelle, il évoque ensuite les limites de ces outils de dissuasion, pour lesquels il faut développer la concurrence stratégique.
La conclusion est apparemment banale. "Plus les Etats-Unis seront compétitifs en termes d'accès, de bases et de vols, de développement d'une base industrielle de défense, de renforcement des alliances et des partenariats, et de promotion du développement technologique, mieux ils seront positionnés pour combattre et gagner un conflit armé".
En fin de compte, tout tourne autour de la guerre et de la volonté de la gagner.
Il est intéressant de noter que le Tao te King du philosophe chinois Lao Tzu est cité à la page 34, et que la bibliographie fait référence à Sun Tzu, ainsi qu'à des concepts chinois plus modernes de la guerre (la théorie de la guerre sans restriction). Cependant, les citations de l'axe géographique de l'histoire de Halford Mackinder, les travaux de Henry Kissinger, Joseph Nye Jr. et d'autres indiquent que l'armée américaine est tout aussi fermement attachée aux préceptes de ses points de référence idéologiques et géopolitiques.
L'annexe fournit des conseils sur la manière d'identifier les menaces et les risques, les acteurs qui peuvent être des concurrents ou des amis des États-Unis, afin d'obtenir un avantage stratégique. Elle souligne également l'importance d'identifier les instruments de pouvoir et les sous-domaines qui relèvent du domaine de la concurrence, y compris les stratégies alternatives. Et enfin, d'élaborer une théorie intégrée de la réussite.
Au minimum, le document devrait indiquer clairement que les États-Unis sont déterminés à utiliser une gamme complète de capacités pour étouffer la concurrence. Bien que la Chine soit principalement mentionnée, il ne faut pas s'imaginer que la Russie, que Washington veut écraser sans s'engager dans un conflit direct, est également impliquée. Ce n'est pas une coïncidence si les proxys et les substituts sont mentionnés, l'un d'entre eux étant les FAU en Ukraine et l'autre les terroristes en Syrie.
Cette doctrine mérite une attention sérieuse et l'élaboration de mesures visant à contrecarrer sa mise en œuvre par les États-Unis.
Il est clair que certaines des actions décrites sont déjà utilisées contre la Russie, tandis que d'autres le seront à la première occasion. Il convient également de garder à l'esprit l'affirmation selon laquelle il faut "cacher les intentions des États-Unis jusqu'à ce qu'il soit trop tard" en intensifiant les activités de renseignement et en ne faisant pas confiance à un seul mot de l'establishment américain.
13:36 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, concurrence stratégique, états-unis, stratégie | |
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lundi, 27 mars 2023
Macron détruit la France pour se sauver
Macron détruit la France pour se sauver
Augusto Grandi
Source: https://electomagazine.it/macron-distrugge-la-francia-per-salvare-se-stesso/
Paris vaut bien une messe. Mais il n'est pas certain qu'elle vaille une réforme des retraites. Macron a tenté de distraire les Français avec son soutien garanti au fou de Kiev, mais cela n'a pas suffi. D'abord parce que les transalpins auraient pu, comme le veut la tradition, se réaligner et se recomposer pour une "guerre française". Mais cette guerre en Ukraine, c'est celle de Biden et de ses marionnettistes. Et le pauvre Macron n'est qu'un majordome européen parmi d'autres. Les Français ne peuvent pas lui pardonner une telle perte de style.
Notamment parce qu'elle s'est accompagnée de la réduction progressive du rôle de Paris en Afrique. D'abord en raison de l'influence économique chinoise, puis du rôle militaire russe à travers Wagner, et enfin de la tentative américaine de récupérer quelques positions.
Le président transalpin a donc dû s'occuper de questions intérieures. Et ce fut un désastre. L'augmentation de l'âge de la retraite a été accompagnée par le soutien international de ceux qui - même en Italie - insistent pour s'accommoder d'une réalité qui est celle du passé. Il y a peu de jeunes et, par conséquent, ils ne peuvent plus payer les pensions de trop de personnes âgées. Le problème ne réside pas dans le nombre de jeunes, mais dans les emplois disponibles. Et quels sont les emplois disponibles?
La robotisation élimine la classe ouvrière. Et l'intelligence artificielle éliminera bientôt une grande partie de la classe des cols blancs. Les tâches confiées aux humains seront réduites de manière drastique. Et celles effectuées par les machines augmenteront de manière disproportionnée. Mais la réponse d'une politique tournée vers le passé est toujours la même: nous augmentons l'âge de la retraite pour éviter de payer des allocations mensuelles à un nombre croissant de personnes âgées. Au lieu d'investir dans l'avenir, nous préférons économiser sur le présent. Au lieu d'essayer d'imaginer des métiers possibles, on continue à forcer les personnes âgées à rester attachées à leurs anciens emplois pour éviter que le patronat ne se renouvelle.
Aucun projet pour les nouvelles générations. Parce que la solution italienne, plus de précarité et moins de salaire, c'est de la merde. Accompagnée de nouvelles vagues de migrants afin d'avoir une masse de gens désespérés à exploiter, puisque les jeunes Italiens ne veulent plus être exploités sans espoir de construire un avenir décent.
Il faut des idées, mais le président français préfère les gaz lacrymogènes et les matraques. Et qu'importe si les médecins français émigrent, tout comme les Italiens, à la recherche de meilleures conditions de travail et de salaires plus élevés? La France peut aussi augmenter l'immigration de toute façon. Et comme, de toute façon, l'Italie est plus réticente à payer les jeunes et les immigrés, les étrangers hautement qualifiés et diplômés continueront à préférer l'Hexagone tandis que la Botte accueillera une main-d'œuvre de moindre qualité.
Des politiques à courte vue qui ne sauveront pas la France et encore moins l'Italie. Les Français l'ont compris et sont descendus dans la rue. Les Italiens ont préféré suivre les événements de la série télévisée Fedez.
23:05 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emmanuel macron, france, italie, europe, affaires européennes, politique internationale | |
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dimanche, 26 mars 2023
La Tunisie contre le Grand Remplacement
La Tunisie contre le Grand Remplacement
par Georges FELTIN-TRACOL
Créée en novembre 1942 et dissoute en mai 1943, la Phalange africaine fut un mouvement éphémère qui défendait les acquis de la Révolution nationale en Afrique française du Nord. Elle participa à la bataille de Tunisie aux côtés de l’Afrika Korps. Huit décennies plus tard, son spectre hanterait-il les couloirs du palais présidentiel de Carthage ?
Le 21 février 2023, à l’occasion d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, le président tunisien Kaïs Saïed a suscité un effroi planétaire occidentalo-centré. Il ordonnait des « mesures urgentes […] pour faire face à l’arrivée en Tunisie d’un grand nombre de migrants clandestins en provenance d’Afrique subsaharienne ». Par sa position géographique, son pays se situe à proximité de l’île italienne de Lampedusa et de l’Union dite européenne.
La combinaison infernale des politiques d’austérité économique du FMI, de pillage systématique des ressources naturelles par les Occidentaux (dont les Français) et de kleptocratie durablement installée déstabilisent des sociétés africaines déjà en proie à une surnatalité et aux violences ethno-tribales dans le cadre de frontières artificielles absurdes. Tous ces méfaits structurels incitent les Africains à tenter de se rendre en Europe et, par conséquent, à passer par la Tunisie plus sûre que la Libye en pleine guerre civile.
Le président Kaïs Saïed estime que ces flux migratoires clandestins « veulent changer la composition de la démographie tunisienne. C’est un complot pour s’attaquer à l’État, au peuple et à l’identité tunisienne ». Il ajoute qu’il s’agit « d’une entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle ». Ainsi considère-t-il qu’une menace grave pèse sur le « caractère arabe et musulman de la Tunisie ». Renaud Camus, sors de ce corps !
Les remarques présidentielles ont déclenché l’indignation de la médiasphère bien-pensante qui parle de « complotisme » et de « racisme ». Instance prédatrice bien connue, la Banque mondiale a rompu les négociations avec le gouvernement de Tunis dès le 7 mars dernier. Victimes des années d’incurie de Ben Ali (1987 – 2011) et de dix ans d’indécentes collusions parlementaires partitocratiques, les Tunisiens subissent maintenant une terrible crise économique. Frappé par une très forte inflation, le pays d’environ douze millions d’habitants compterait entre 21.000 et 57.000 clandestins africains.
Le dirigeant tunisien y voit une source inquiétante de criminalité et d’affrontements. Plaque tournante des migrations illégales, Sfax a connu de violents incidents entre sans-papiers et autochtones qui se préoccupent d’ailleurs de la multiplication des églises sur leur sol, maints Africains professant le christianisme. Au lendemain de la sortie présidentielle, les ambassades du Burkina Faso et du Congo commençaient à rapatrier au plus vite le plus grand nombre de leurs ressortissants respectifs présents en Tunisie de manière illégale. Le 4 mars, deux avions affrétés respectivement par le Mali et la Côte d’Ivoire raccompagnaient 133 Maliens vers Bamako et 145 Ivoiriens vers Abidjan. Les ONG droits-de-l’hommistes s’en scandalisent. Leurs critiques véhémentes n’impressionnent pas le chef d’État qui ose appliquer la remigration.
Les commentateurs remplacistes insistent alors volontiers sur les 69,50 % d’abstention pour le référendum constitutionnel du 25 juillet 2022. Ils soulignent toujours avec une rare malignité que les législatives des 17 décembre 2022 et 19 janvier 2023 se sont déroulées avec une participation moyenne de 11,31 %. Cette forte abstention témoigne surtout de la dépolitisation généralisée de la société tunisienne. Les jeux politiciens et les échéances électorales fatiguent les électeurs qui se tournent vers leur président. Celui-ci cumule en outre bien des défauts pour les bien-pensants. Ce fidèle partisan du nationalisme panarabe et de la tradition musulmane paie ses positions anti-sionistes constantes. Les Occidentaux lui reprochent son alignement sur l’Algérie en guerre froide avec le Maroc. En août 2022, le gouvernement algérien a versé à son voisin de l’Est 450 millions de dollars. Quelques semaines plus tard, la Tunisie recevait Brahim Ghali, le chef du Front Polisario.
Le 5 mars dernier, suite aux vives protestations de l’Union africaine qui assiste à l’effritement de son idéal panafricaniste, le gouvernement tunisien a pris quelques mesures supposées mieux encadrer l’immigration sauvage d’origine subsaharienne. Il accorde une carte de séjour d’un an, simplifie les procédures de rapatriement volontaire dans un cadre juridique concerné avec les ambassades et exonère le paiement des amendes dressées pour une présence illégale. Ces choix risquent d’exaspérer une population dont une minorité est noire et qui ne s’est jamais penchée sur son passé esclavagiste.
Enregistré en tant que 214e parti en décembre 2018, le Parti nationaliste tunisien ne doit pas être confondu avec la formation progressiste de l’homme d’affaires Faouzi Elloumi, le Parti national tunisien. Animé par Sofien Ben Sghaïr, le Parti nationaliste tunisien (logo, ci-dessus) dénonce « un plan européen annoncé pour installer les migrants africains subsahariens en Tunisie et les empêcher d’aller en Europe ». Bruxelles donne en effet plusieurs millions d’euros à Tunis afin d’éviter tout départ vers la péninsule italienne. Ce mouvement a lancé cet été sur Facebook une pétition exigeant des autorités l’expulsion immédiate des migrants en situation illégale et des immigrés délinquants, l’imposition de visas obligatoires aux Africains et l’abrogation de la loi liberticide du 23 octobre 2018 qui pénalise les actes, les propos et les discriminations liés à la race. Ce texte a néanmoins récolté plus d’un million de signatures.
Prônant la préférence tunisienne, le Parti nationaliste tunisien a vérifié au cours des dernières semaines dans les magasins et autres restaurants des grandes villes si les salariés noirs étaient en règle. Ces actions se comprennent dans le cadre d’une concurrence avec un très lointain héritier de la Brigade nord-africaine qui luttait contre les résistants du Limousin, un certain Parti national-socialiste des travailleurs de Tunisie dont le secrétaire général, Mohamed Al-Kahlawi, a reçu en octobre 2022 un haut-responsable du Front Polisario.
Dans la quatrième chronique du 5 octobre 2021 intitulée « Décisionnisme tunisien » (cf. http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/10/08/decisionnisme-tunisien.html ), votre serviteur évoquait déjà l’atypisme du président Kaïs Saïed défini dans L’Actualité à la hache (Éditions du Lore, 2021) comme « le croisement politique réussi des “ Gilets Jaunes “ français et du Mouvement Cinq Étoiles en Italie ». On pourrait ajouter que c’est un lointain cousin d’Éric Zemmour et de Henry de Lesquen. Son hostilité aux bavardages parlementaires, son refus patent du système des partis, son immense souci de préserver l’identité nationale arabe et mahométane du peuple tunisien et ses saillies contre les dogmes du « politiquement correct » en font, malgré les graves vicissitudes économiques contingentes, un très grand serviteur de sa patrie.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 66, mise en ligne le 21 mars 2023 sur Radio Méridien Zéro.
14:59 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tunisie, afrique du nord, afrique, affaires africaines, immigration, migrants, actualité, politique internationale | |
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samedi, 25 mars 2023
La paix chinoise entre Téhéran et Riyad s'étend à Damas. Et l'Égypte bouge aussi...
La paix chinoise entre Téhéran et Riyad s'étend à Damas. Et l'Égypte bouge aussi...
Enrico Toselli
https://electomagazine.it/la-pace-cinese-tra-teheran-e-riad-si-estende-a-damasco-e-si-muove-anche-legitto/
Alors que Schlein et Meloni s'affrontent pour le titre convoité de majordome le plus fidèle de Biden, le repositionnement géopolitique s'intensifie en Méditerranée. La démarche de Pékin qui a conduit à l'incroyable rapprochement entre l'Iran et l'Arabie Saoudite porte des fruits rapides et de plus en plus étendus. Car l'effet domino concerne aussi la Syrie, où c'est précisément l'Arabie saoudite qui va reprendre son siège diplomatique. Et le geste de Riyad ouvrira la voie à la réintégration de Damas dans le contexte du monde arabe dont la Syrie avait été exclue.
Mais l'Egypte bouge aussi, qui, après l'accord avec la Russie sur la dédollarisation des échanges, est en train de conclure des accords similaires avec la Chine et l'Inde. Des signaux évidemment ignorés par les clercs de la désinformation italienne (ndt: et européenne). Et le système bancaire américain connaît simultanément des difficultés qui se répercutent aussi en Suisse. Ce n'est pas vraiment la meilleure façon de convaincre le monde d'accepter la domination de Washington et de Wall Street.
Entre-temps, Téhéran et Bagdad, pour fêter dignement le 20ème anniversaire de l'invasion anglo-américaine, conviennent de renforcer leur collaboration dans une fonction anti-kurde. En théorie, c'est contre le terrorisme kurde, en pratique c'est contre l'utilisation des Kurdes par les Etats-Unis. Les Turcs, qui sont appelés à voter en mai, sont également tout à fait d'accord sur ce point.
Justement, les élections en Turquie font apparaître les situations paradoxales. Erdogan, qui est particulièrement détesté par l'administration américaine pour ses nombreux volte-face et pour ne pas avoir adhéré aux sanctions contre Moscou, a ralenti ces dernières semaines ses initiatives de coopération avec la Russie. Un refroidissement des relations pour plaire à Washington, qui soutient le candidat rival Kilicdaroglu, en tête dans les sondages. Alors que fait Kilicdaroglu ? Il annonce qu'il renforcera la coopération avec Moscou s'il gagne.
Les déclarations dans une campagne électorale, on le sait, ont très peu de valeur (en Italie, quelqu'un avait même promis un blocus naval pour empêcher l'arrivée d'immigrés clandestins), mais elles sont intéressantes pour évaluer les humeurs et les tendances. Et, pour l'instant, la tendance est d'ignorer complètement le "plan Mattei" qui a tant enthousiasmé les ministres italiens. Hormis la Tunisie, en mal d'argent, d'où qu'il vienne et sans contrepartie, le reste de la Méditerranée, le Proche-Orient et l'Afrique subsaharienne ignorent superbement le projet italien. Mais il vaut mieux éviter d'interrompre le sommeil de Tajani, Crosetto et de Lady Garbatella (= surnom de Giorgia Meloni, ndt).
19:16 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, diplomatie, politique internationale, asie, affaires asiatiques, iran, chine, arabie saoudite, syrie, turquie, italie, égypte | |
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jeudi, 23 mars 2023
Un Cour pénale au service de l'Occident contre le reste du monde
Un Cour pénale au service de l'Occident contre le reste du monde
par Luigi Copertino
Source : Franco Cardini & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/una-corte-al-servizio-dell-occidente-contro-il-resto-del-mondo
La Cour pénale internationale a donc lancé un mandat d'arrêt contre Poutine pour crimes de guerre. Ceux-ci auraient consisté en la déportation, c'est-à-dire le transfert illégal, vers la Russie d'enfants ukrainiens qui vivaient dans des orphelinats ou avaient été perdus par leurs parents puis confiés à des familles russes. Des enfants qui, selon la Cour, se trouvaient bien dans la zone de guerre mais étaient "protégés" par la Convention de Genève qui rendait leur transfert et leur adoption impossibles. Bien entendu, selon le raisonnement de la Cour, cette même convention jouit d'une force juridique internationale telle qu'elle empêcherait ces enfants, s'ils étaient restés dans les zones du conflit en cours, de devenir des victimes innocentes de la guerre. Pour la Cour de La Haye, la forme abstraite du droit prime, même s'il s'agit d'une coquille normative vide de toute substance et de tout caractère concret véritablement humain. Le formalisme abstrait est le masque sous lequel se présente Anomos. Pour notre part, nous pensons que la guerre n'est pas si respectueuse du formalisme juridique invoqué par la Cour pénale internationale. Laissés là où ils étaient, ces enfants seraient morts. Mais, bon sang, ils seraient morts, "protégés" par la Convention de Genève!
La réalité des faits, évidente pour tous, est que ces enfants ont été sauvés par les Russes qui les ont soustraits aux dangers des zones de guerre. Des enfants qui sont probablement d'ethnie et de langue russes, bien qu'ils soient officiellement des citoyens ukrainiens. Mais pour le formalisme de la CPI, la citoyenneté abstraite l'emporte sur la concrétude culturelle des hommes. En revanche, la Cour de La Haye n'a pas eu le même zèle inquisitorial à l'égard de Zelensky ou de Petro Porochenko responsables du massacre des populations du Donbass, enfants compris. Porochenko, lors d'un discours à Odessa il y a des années, avant la guerre actuelle, comparant les perspectives des Ukrainiens à celles des habitants du Donbass, avait promis: "Nos enfants iront dans des écoles et des jardins d'enfants, tandis que les leurs seront terrés dans des caves". Une promesse tenue, comme le prouve le rapport de l'Église orthodoxe de Turin disponible sur le lien suivant :
http://www.civg.it/index.php?option=com_content&view=article&id=676:poroshenko-ha-mantenuto-la-parola-i-bambini-del-donbass-non-vanno-a-scuola&catid=2&Itemid=300
Lisez ou relisez Le Nomos de la Terre de Carl Schmitt : les droits de l'homme et le droit humanitaire ne sont que le paravent de rapports de force politiques et un outil au service de l'idéologie mondialiste occidentale. Il n'est même pas vrai, sauf en termes d'imitation immanentiste (les chrétiens savent ou devraient savoir qui est la simia Dei), que les "droits de l'homme" sont une émanation du christianisme, ou en tout cas des religions abrahamiques, car ils sont au contraire l'expression de l'imposture idéologique que constitue la matrice idéologique des Lumières qui a confondu, avec art et tromperie, les droits de l'homme et l'idée chrétienne de la personne - qui dans sa concrétude n'est jamais donnée sans les appartenances sociales et culturelles ou communautaires par lesquelles elle se définit dans son identité propre et irréductible - quant au concept d'individu, il est toujours abstrait, vide, sans rapport, formel, manipulable parce qu'il n'a pas d'identité concrète. S'il existe une "nature humaine" universelle, toujours modulée cependant dans des réalités personnelles et communautaires, concrètes et inviolables, il n'existe pas d'"Homme" abstrait, c'est-à-dire dépourvu d'appartenance particulière. Maintenant, que chacun en pense ce qu'il veut, mais l'initiative de la Cour pénale internationale démontre une fois de plus, s'il en était encore besoin, l'instrumentalisation des juridictions internationales au service de la puissance hégémonique de l'Occident à dominante américaine.
Par ailleurs, la Cour de La Haye, dont on peut douter de la "tiercéité" réelle (combien de juges russes y siègent et combien de juges occidentaux ?), n'est pas reconnue par la Russie, mais pas non plus par les États-Unis, elle n'a donc aucune compétence mondiale et sa prétention à en avoir une n'est qu'une manifestation de l'imposture des Lumières mentionnée plus haut. Les États-Unis ne reconnaissent pas la Cour internationale parce que, tout en jacassant sur les droits de l'homme, ils veulent garder les mains libres en matière de politique étrangère et de guerre. Pour les nombreux crimes de guerre qu'ils ont commis au cours de leurs deux siècles d'existence, les présidents et les gouvernements américains auraient déjà dû être jugés et condamnés si certains tribunaux internationaux n'étaient pas instrumentalisés. Nous n'avons pas connaissance, en effet, que des mandats d'arrêt aient été émis par la Cour de La Haye contre George W. Bush ou Barack Obama pour les crimes américains en Irak, en Afghanistan, au Yémen, en Serbie, en Syrie, en Libye ou contre Harry Truman pour les deux bombes atomiques sur le Japon en 1945. Et qu'on ne vienne pas dire que, dans le cas de Truman, un éventuel tribunal international, constitué après les faits, appliquant la peine rétroactivement, aurait agi, selon le principe libéral "nullum crimen, nulla poena sine lege", de manière illégitime. Il ne faut pas le dire car c'est exactement ce qui s'est passé avec le procès de Nuremberg, qui a été célébré en appliquant rétroactivement la peine pour des crimes commis en l'absence de la formulation du cas juridique de "génocide", qui n'était pas en vigueur jusqu'alors, et qui avait en fait été élaboré avec le procès susmentionné (bien sûr, en soulignant cela, l'intention ici n'est pas d'exonérer les criminels nazis de leurs ignobles responsabilités, mais simplement de mettre en évidence les apories du droit abstrait et formaliste de la matrice occidentale).
L'Occident ne se rend pas compte que, dans le cas russe, il n'a pas affaire à n'importe quel Slobodan Milošević - c'est-à-dire à un personnage de second ordre - mais au dirigeant d'une puissance qui jouit actuellement du soutien politique du reste du monde, lequel en a désormais assez des brimades américaines et occidentales. L'incapacité aveugle de l'Occident à comprendre que le monde n'est pas à sa mesure, que d'autres peuples ont des philosophies de vie différentes des nôtres et que, sauf sur le plan spirituel, il n'est pas possible d'établir des hiérarchies ou des primats entre les leurs et les nôtres (les nôtres datant d'ailleurs de quelques siècles seulement), conduit le monde vers un conflit dévastateur. Si l'Occident veut la guerre avec la Russie et le reste du monde, il est certainement sur la bonne voie. Mais cette fois-ci, il pourrait faire un faux pas. Pour tout le monde !
20:49 Publié dans Actualité, Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cour pénale internationale, droit, droit pénal, la haye, actualité, politique internationale | |
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Une étude britannique prédit une ère post-occidentale
Une étude britannique prédit une ère post-occidentale
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2023/03/21/tutkimus-ennakoi-lannen-ylivallan-jalkeista-aikaa/
Un réalignement géopolitique est en cours, qui accélère le démantèlement de la domination mondiale des États-Unis. Même les groupes de réflexion occidentaux ont commencé à se pencher sur cette question sensible, comme le montre une étude récente de l'ECFR (European Council on Foreign Relations) intitulée "United West, divided from the rest" (L'Occident uni, séparé du reste).
Le sondage, réalisé en janvier de cette année (qui a porté sur les opinions non seulement dans neuf États membres de l'UE, mais aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis, ainsi qu'en Chine, en Russie, en Inde et en Turquie), révèle des différences géographiques marquées dans les attitudes à l'égard de la guerre, de la démocratie et de l'équilibre mondial des pouvoirs.
"Le paradoxe de la guerre en Ukraine est que l'Occident est à la fois plus uni et moins influent dans le monde que jamais auparavant", déclare le directeur de l'ECFR et coauteur du rapport, le politologue et auteur britannique Mark Leonard (photo).
"Alors que la plupart des Européens et des Américains vivent dans un monde datant d'avant la guerre froide et structuré par l'opposition entre la démocratie et l'autoritarisme, de nombreuses personnes en dehors de l'Occident vivent dans un monde post-colonial fixé sur l'idée de la souveraineté nationale", déclare le co-auteur de l'étude, l'historien britannique Timothy Garton Ash (photo).
L'étude montre que si les opinions occidentales sur la Russie se sont durcies au cours de l'année écoulée, elles "n'ont pas réussi à convaincre pleinement d'autres grandes puissances telles que la Chine, l'Inde et la Turquie", qui considèrent la Russie comme leur "partenaire" et leur "allié", même si elles ne sont pas d'accord sur la question de l'Ukraine.
En Chine, en Inde et en Turquie, par exemple, une grande proportion de personnes ont déclaré qu'elles estimaient que la Russie était "plus forte" ou au moins "aussi forte" qu'avant le début de l'action militaire il y a près d'un an. Ils considèrent Moscou comme un "allié" stratégique et un "partenaire indispensable" pour leur pays.
Les répondants non occidentaux espèrent clairement que la guerre prendra fin le plus tôt possible, même si cela signifie que l'Ukraine devra abandonner une partie de son territoire. L'implication active de l'Occident suscite le scepticisme en dehors de l'Occident, et les appels à "défendre la démocratie" ne sont pas suffisamment crédibles.
Bien que les États-Unis aient tenté de "mondialiser" le sentiment anti-russe, seuls 33 pays - représentant un peu plus d'un huitième de la population mondiale - ont imposé des sanctions à la Russie et envoyé une aide militaire à l'Ukraine.
Ces pays sont le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Corée du Sud, le Japon et les États membres de l'UE. En d'autres termes, le projet antirusse a principalement impliqué des pays qui tombent dans la sphère d'influence des États-Unis et où il y a une forte présence militaire américaine.
Les autres nations, qui représentent près de 90 % de la population mondiale, n'ont pas suivi l'exemple de l'Occident. La guerre en Ukraine a en fait renforcé les relations de la Russie avec plusieurs grands pays non occidentaux, tels que la Chine et l'Inde, et a accéléré l'émergence d'un nouvel ordre international dans lequel, au lieu de la Russie, c'est l'"Occident collectif" lui-même qui apparaît isolé.
Le conflit ukrainien pourrait être un tournant marquant l'émergence d'un ordre mondial "post-occidental", suggèrent également les think tankers Leonard et Garton Ash. Selon eux, il est "hautement improbable" que l'ordre libéral en perte de vitesse, dirigé par les États-Unis, soit restauré. Au contraire, "l'Occident doit vivre comme l'un des pôles d'un monde multipolaire".
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mardi, 21 mars 2023
Géopolitique et immigration de masse
Géopolitique et immigration de masse
par Andrea Zhok
Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/geopolitica-e-immigrazione-di-massa
Comme on pouvait s'y attendre, le thème de la pression migratoire refait surface avec force. Bien sûr, en Italie aujourd'hui, l'opportunité de mettre à l'épreuve les promesses du gouvernement Meloni joue un rôle dans ce regain d'intérêt, mais cela fait partie du jeu politique légitime des oppositions (et du vaste appareil médiatique qui reflète leurs positions).
Quoi qu'il en soit, toute crise de l'équilibre international affecte plus durement les maillons les plus faibles, et le double choc "C ovid + guerre russo-ukrainienne" représente la crise la plus lourde depuis la Seconde Guerre mondiale. Il ne reste plus qu'à faire le décompte relatif.
En Italie, les années explosives de l'immigration ont été celles entre 2011 et 2017, et elles suivent la combinaison des effets globaux de la crise des subprimes (à partir de 2008) et le début des soi-disant "printemps arabes" (à partir de 2010).
La question migratoire est le premier thème qui a explicité l'inadéquation de l'Union européenne au rôle qu'on lui attribuait.
En fait, c'est l'une des rares questions où l'appel à une action européenne coordonnée semblerait être la voie royale vers une solution, et c'est également une question où le caractère purement prédateur et opportuniste de l'UE, qui s'est présentée non pas comme une puissance géopolitique mais comme l'instrument d'une politique de "mendicité", s'est manifesté de la manière la plus claire.
À chaque moment de la gestion de l'immigration (comme pour toute autre question d'importance économique), nous avons assisté à une danse douloureuse de pays individuels ou d'alliances ad hoc, pour exploiter certaines conditions contingentes en leur faveur et laisser les autres "partenaires européens" dans l'embarras. (Le système des accords de Dublin est exemplaire à cet égard, car il visait à utiliser les pays de premier débarquement comme une "barrière naturelle" pour ceux qui se trouvaient à l'intérieur, les empêchant de se déplacer des pays d'arrivée vers les pays plus désirables d'Europe du Nord).
L'échec européen est cependant loin d'être inattendu. Les relations européennes avec l'Afrique suivent précisément la même direction que celle qui guide les relations internes et, en général, toutes les relations internationales dans la vision des traités européens : il s'agit d'un modèle néolibéral d'exploitation, de maximisation des profits et d'acquisition d'avantages compétitifs à court et à moyen terme. Il n'y a pas de vision politique ici, si ce n'est la responsabilité devant les lobbies économiques nationaux, qui dans une vision néolibérale sont les représentants les plus légitimes de l'intérêt public.
Ainsi, les relations avec l'Afrique ont toujours été marquées par une politique d'aide ponctuelle, qui maintenait les élites africaines sur une chaîne courte, et une politique de traités commerciaux inégaux, qui permettait à tel ou tel pays européen de se tailler un accès favorable à telle ou telle zone de ressources naturelles.
Cependant, il est important de comprendre la nature spécifique de l'échec de la politique européenne à l'égard de l'Afrique (et plus généralement à l'égard des pays en développement).
Ce que l'UE n'a pas réussi à faire, c'est prendre le relais du système d'équilibre de la guerre froide en essayant de construire de nouvelles alliances à long terme.
Pour les historiens du dimanche qui expliquent que "les migrations ont toujours existé et existeront toujours", il convient de noter que l'ère des migrations massives vers l'Europe en provenance de la région méditerranéenne a commencé avec la chute de l'URSS et donc avec le triomphe de l'Occident dirigé par les États-Unis dans la guerre froide.
Pour l'Italie, la date symbolique du début du "problème migratoire" est 1991, avec le grand débarquement d'Albanais dans le port de Bari.
Ce n'est pas une coïncidence. La guerre froide, forme rudimentaire du multipolarisme, a cherché à s'opposer aux pays en voie de développement, et l'a fait de diverses manières, parfois sous une forme sanglante (Corée, Vietnam), plus souvent sous la forme d'une collaboration. Cette situation, pour précaire qu'elle soit, a cultivé l'intérêt de préserver les équilibres régionaux. Aucun "printemps arabe" n'aurait pu voir le jour dans ce contexte, car chacun savait que tout bouleversement interne dans un pays ne serait qu'une manœuvre de l'un des deux blocs à ses propres fins. Cet équilibre, pour cynique et hostile qu'il soit, a néanmoins stimulé l'intérêt des deux blocs pour le maintien tendanciel de l'équilibre dans les zones en développement.
Avec la disparition de ce facteur d'équilibre, c'est-à-dire avec la disparition de l'URSS, le monde en développement (et même une grande partie du monde développé) est devenu un terrain de chasse libre pour les pays situés au sommet de la chaîne alimentaire capitaliste (les États-Unis en tête).
À ce stade, l'équilibre régional était bien moins important pour les décideurs politiques que les opportunités de profit créées par les déséquilibres.
Cette perspective nous permet de voir d'où pourrait venir, à moyen terme, une solution à la question colossale des processus migratoires (pour l'Europe).
Face à l'impuissance voulue de l'UE, dont les colonels sont tous occupés à grappiller de petits avantages pour telle ou telle multinationale de référence, une forme de compétition géopolitique similaire à la guerre froide prendra le dessus (prend déjà le dessus).
La Russie et la Chine agissent déjà de la sorte à l'égard de nombreux pays en voie de développement, notamment dans la zone africaine. Bien entendu, elles ne le font pas par "humanitarisme" (il faut toujours se méfier lorsqu'un État prétend agir pour des "raisons humanitaires"). Ils le font parce qu'ils ont une vision stratégique à long terme, dans laquelle des associations stables avec des États qui sont réellement "en développement" - et pas simplement "condamnés à un retard exploitable" - sont dans leur intérêt.
La Russie et la Chine agissent désormais en tant qu'acteurs souverains sur une scène géopolitique à long terme, ce qui suffit à renverser la table de la culture des "barons voleurs" du néolibéralisme occidental et à établir un nouvel équilibre (même s'il est intrinsèquement précaire).
En fin de compte, si quelque chose peut nous sauver d'une migration incontrôlée, c'est probablement l'établissement d'un nouvel équilibre multipolaire, dont l'aube se profile à l'horizon.
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Erdogan face à l'épreuve ultime
Erdogan face à l'épreuve ultime
Alexandre Douguine
Note du traducteur : Alexandre Douguine analyse ici la situation en Turquie du point de vue russe et dans le cadre actuel de la guerre entre la Russie et l'Ukraine (ou plutôt entre la Russie et l'OTAN) en mer Noire, enjeu de la vieille rivalité russo-ottomane. La situation actuelle implique un changement d'approche significatif. Pour l'Europe (ou pour l'idée de Maison commune), la nécessité d'accepter les arguments d'Erdogan, qui souhaite limiter l'ingérence américaine, va de pair avec un rejet de la politique d'Erdogan consistant à manipuler la diaspora turque contre les sociétés européennes, une manipulation qui aurait lieu même si la marque idéologique notoire des régimes d'Europe occidentale n'était pas le wokisme.
En Turquie, la date des élections présidentielles a été annoncée. Il s'agira probablement de l'épreuve la plus difficile pour Erdogan jusqu'à présent et sur le plan intérieur -avec le renforcement de l'opposition néolibérale pro-occidentale (en particulier le Parti républicain du peuple), une scission au sein du Parti de la justice et du développement (AKP) lui-même, un grave ralentissement économique, l'inflation, les conséquences d'un monstrueux tremblement de terre. Sur le front extérieur, avec l'intensification du conflit avec les États-Unis et l'Union européenne et le rejet de plus en plus marqué des politiques d'Erdogan par les dirigeants mondialistes de la Maison Blanche.
Lutte pour la souveraineté
L'aspect principal de la politique d'Erdogan est l'importance qu'elle accorde à la souveraineté. C'est le point central de sa politique. Toutes ses activités en tant que chef d'État s'articulent autour de cet axe. Dans un premier temps, Erdogan s'est appuyé sur l'idéologie islamiste, une alliance avec les régimes salafistes sunnites extrêmes du monde arabe. Durant cette période, il a collaboré très étroitement avec les Etats-Unis, les structures de Fethullah Gulen servant de charnière dans cette coopération. Les kémalistes laïques, les nationalistes turcs, de gauche comme de droite, étaient alors dans l'opposition. Cela a culminé avec l'affaire Ergenekon, dans laquelle Erdoğan a arrêté l'ensemble du haut commandement militaire, qui adhérait traditionnellement à l'orientation kémaliste.
À un moment donné, cette politique a cessé de promouvoir la souveraineté et a commencé à l'affaiblir. Après l'opération militaire russe en Syrie et le crash de l'avion turc en 2015, Erdoğan a été menacé : premièrement, les relations avec la Russie se sont détériorées, amenant la Turquie au bord de la guerre ; deuxièmement, l'Occident, insatisfait de la politique de souveraineté, était prêt à renverser Erdoğan et à le remplacer par des collaborateurs plus obéissants - Davutoğlu, Gül, Babacan, etc. Les gülenistes, anciens alliés d'Erdoğan et principaux opposants au kémalisme, sont devenus la colonne vertébrale du complot.
En 2016, alors que les relations avec la Russie se sont quelque peu clarifiées, l'Occident, en s'appuyant sur les fethullahistes (gülenistes), a tenté d'organiser un coup d'État, qui a toutefois été déjoué. Le fait qu'un nombre important de kémalistes patriotes, d'officiers militaires libérés par Erdogan peu avant le coup d'État, et leur structure politique, le parti Vatan, aient soutenu Erdogan plutôt que les militaires pro-occidentaux au moment critique a été un facteur décisif. Le fait est qu'à ce stade, les nationalistes kémalistes (de gauche comme de droite) avaient compris qu'Erdogan construisait sa politique sur le renforcement de la souveraineté et que l'idéologie était secondaire pour lui.
Étant donné que les conspirateurs gülenistes et les autres Occidentaux qui se sont rebellés contre Erdoğan suivaient servilement l'Occident mondialiste, ce qui conduisait inévitablement la Turquie à un effondrement total et à l'élimination de l'État-nation, les kémalistes ont décidé de soutenir Erdoğan pour sauver l'État. La Russie a également soutenu en partie Erdogan, réalisant que ses ennemis étaient des marionnettes de l'Occident. Les nationalistes turcs du Parti du mouvement nationaliste (MHP) ont également fini par se ranger à ses côtés.
Depuis 2016, Erdoğan a embrassé des positions proches du kémalisme patriotique et en partie de l'eurasisme, proclamant ouvertement la priorité de la souveraineté, critiquant l'hégémonie occidentale et prônant un projet de monde multipolaire. Les relations avec la Russie se sont également progressivement améliorées, bien qu'Erdoğan ait occasionnellement fait des gestes pro-occidentaux. Désormais, la souveraineté est devenue son idéologie et son objectif politique le plus élevé.
Cependant, l'opposition libérale sous la forme du Parti républicain du peuple (Kılıçdaroğlu - photo), qui s'est d'abord opposée à la ligne islamiste du premier Erdoğan et a ensuite rejeté la souveraineté, a exploité une série d'erreurs de calcul sur le plan intérieur et économique. Il est parvenu à obtenir un certain nombre de postes clés lors des élections, notamment en présentant ses propres candidats à la mairie des deux principales villes, Ankara et Istanbul. Erdoğan s'est également heurté à l'opposition de ses anciens collègues du parti AKP au pouvoir, qui sont également opposés à l'eurasisme et à la souveraineté et orientés vers l'Occident - les mêmes Ahmet Davutoğlu, Abdullah Gül, Ali Babacan, etc.
C'est dans cette situation qu'Erdogan se rendra bientôt aux urnes. L'Occident est manifestement mécontent de lui en raison de sa désobéissance - en particulier sa démarcation contre la Suède et la Finlande, dont la Turquie a empêché l'adhésion à l'OTAN ; la politique relativement indulgente d'Ankara à l'égard de la Russie, contre laquelle l'Occident collectif mène une guerre en Ukraine, a encore irrité les mondialistes de Washington et, surtout, les dirigeants modernes de la Maison Blanche et les élites mondialistes de l'Union européenne n'acceptent catégoriquement pas le moindre soupçon de souveraineté de la part de leurs vassaux ou de leurs adversaires.
Quiconque est prêt à se soumettre à l'Occident doit renoncer totalement à sa souveraineté en faveur d'un centre de décision supranational. Telle est la règle. Les politiques d'Erdogan la contredisent directement, c'est pourquoi Erdogan doit être démis de ses fonctions, à n'importe quel prix. Si l'Occident globalitaire a échoué dans le coup d'État de 2016, il devra tenter de renverser Erdogan lors des élections de 2023, quel qu'en soit le résultat. Après tout, il y a toujours la pratique des révolutions colorées en réserve.
C'est exactement ce que nous avons vu à nouveau en Géorgie, dont les dirigeants, après le départ de l'ultra-occidental et libéral Saakashvili, ont essayé de rendre la Géorgie un peu plus souveraine. Mais cela a suffi à Soros pour activer ses réseaux et lancer une révolte contre l'attitude "trop modérée" à l'égard de la Russie et l'orientation "inacceptablement souveraine" du régime contrôlé par l'oligarque pragmatique Bedzina Ivanishvili.
Erdogan est en train de constituer une coalition politique sur laquelle il pourra compter lors des élections. La colonne vertébrale sera évidemment l'AKP, un parti largement fidèle à Erdogan, mais sans substance et composé de fonctionnaires peu enthousiastes. Techniquement, c'est un outil utile, mais en partie embarrassant. En Turquie, nombreux sont ceux qui attribuent les échecs de l'économie, le développement de la corruption et l'inefficacité du système gouvernemental aux responsables de l'AKP et aux cadres administratifs nommés en leur sein. Si Erdoğan est une figure charismatique, l'AKP ne l'est pas. Le parti prospère grâce à l'autorité d'Erdogan, et non l'inverse.
Alliés et adversaires d'Erdogan
Les alliés traditionnels seront évidemment les nationalistes turcs du parti Mouvement nationaliste turc de Devlet Bahçeli (photo). Pendant la guerre froide et par inertie dans les années 1990, les nationalistes turcs étaient strictement orientés vers l'OTAN et poursuivaient une ligne antisoviétique (puis antirusse). Dans les années 2000, cependant, leurs politiques ont progressivement commencé à changer. Ils se sont de plus en plus éloignés de l'Occident libéral et se sont rapprochés du vecteur souverain d'Erdogan. Idéologiquement, ils sont plus flamboyants que l'AKP, mais leur radicalisme leur aliène une partie de la population turque. En tout état de cause, l'alliance idéologique et politique avérée d'Erdogan avec Bahçeli est cruciale pour son avenir.
Erdogan peut également compter sur le soutien de mouvements politiques soufis, petits mais influents, qui ne bénéficient pas d'un soutien de masse. Leur rôle est de combler le vide laissé par la défaite des structures gülénistes qui se réclamaient d'un "mouvement soufi". Le soufisme est assez répandu dans la société turque et certains tariqats considèrent Erdoğan comme la figure dont dépend la renaissance spirituelle de la Turquie. Mais la diversité du soufisme turc, ainsi que d'autres courants spirituels - notamment les Alévis et les Bektashi - laisse une large place à d'autres opinions.
Tous les Occidentalistes s'uniront contre Erdogan et il n'est pas exclu que, cette fois, les mondialistes activent un réseau d'agents tant au sein de l'AKP lui-même que dans d'autres structures de l'État. Compte tenu de la situation difficile d'Erdogan, pour des raisons d'âge et de santé, il s'agit peut-être de sa dernière chance - non seulement en tant qu'individu, mais aussi en tant que figure historique qui a lié son destin et sa politique à la souveraineté de l'État turc. S'il réussit maintenant et assure la continuité de la voie en lui donnant une formulation idéologique stricte, il entrera dans l'histoire de la Turquie comme le deuxième Atatürk, le sauveur de l'État à une époque de bouleversements critiques. S'il tombe, il est très probable qu'une série de désastres attende la Turquie, car quiconque prendra sa place sera orienté vers l'Occident, ce qui signifie que l'effondrement de la Turquie à l'avenir est imminent, car les mondialistes n'ont en aucun cas oublié les plans du Grand Kurdistan.
Bien sûr, ils n'ont pas réussi à mettre en œuvre cette provocation pendant la vague de révolutions colorées et après l'invasion de l'Irak et de la Syrie, mais la chute d'Erdogan donnera un nouveau souffle à ces projets. Enfin, les adversaires d'Erdogan seront contraints à une confrontation sérieuse avec la Russie, parce que leurs maîtres de l'OTAN l'exigeront, et ce sera un autre facteur de l'effondrement de la Turquie. Erdogan lui-même sera vilipendé par ses successeurs et l'enchaînement des catastrophes de l'État turc conduira à l'oubli pur et simple de son nom. Erdogan aborde donc ces élections comme s'il s'agissait de sa dernière bataille. Non seulement en tant qu'homme politique, mais aussi en tant que figure historique, véritable leader et symbole de son peuple. Il peut enfin consolider ce statut, mais s'il perd, il risque de le perdre irrémédiablement et n'aura pas d'autre chance.
L'Atatürk vert
Dans cette situation, l'analyse géopolitique suggère qu'Erdoğan dispose d'une autre ressource : moins une ressource de masse qu'une ressource idéologique et d'image. Ce sont les mêmes kémalistes patriotes qui, contrairement au libéral Kemal Kılıçdaroğlu du Parti républicain du peuple, malgré la dure répression pendant l'affaire Ergenekon, se sont rangés aux côtés d'Erdoğan au moment critique et, oubliant les vieilles rancunes, ont pleinement soutenu sa ligne souveraine. Certains milieux qualifient Erdoğan d'"Atatürk vert", c'est-à-dire le dirigeant turc, le leader national aux tendances islamiques. Le visage politique de ce groupe extrêmement influent en Turquie, composé principalement d'officiers militaires de tous grades, est le parti de gauche Vatan, dirigé par le leader charismatique Doğu Perinçek (photo, ci-dessous).
D'un point de vue électoral, le parti n'était pas du tout représentatif, mais son importance réside ailleurs : il est le centre qui élabore l'analyse géopolitique la plus actuelle de la Turquie, un parti idéologique eurasien avec une position multipolariste et un véritable centre intellectuel de défense et d'illustration de la souveraineté turque. Les journaux Vatan, Aydınlık et Teori, la chaîne de télévision Ulusal, les nombreux blogs et sites web font de cette entité le principal atout. Les liens historiquement forts de Vatan avec la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord doivent également être pris en compte. Pour Erdogan, qui joue désormais contre l'Occident, ce vecteur qu'est ce club anti-mondialisation et multipolariste pourrait s'avérer décisif. Si Vatan est inclus dans la coalition, Erdogan pourra également se délier les mains face à l'Occident : la connexion avec les principaux pôles du monde multipolaire, et en particulier avec la Russie, dont dépend une grande partie de la politique et de l'économie turques modernes, et donc le destin d'Erdogan lui-même, sera solidement assurée.
Erdoğan a démontré tout au long de sa vie qu'il avait un très bon sens de la géopolitique.
Il choisit toujours des alliances qui renforcent la souveraineté turque. Kemal Ataturk lui-même faisait de même. Cependant, si la situation change et que les anciens alliés s'avèrent être un obstacle à l'indépendance et à la liberté de la Turquie, Erdogan est toujours prêt à les sacrifier.
La Turquie se trouve aujourd'hui en équilibre entre un Occident unipolaire et un Orient multipolaire, l'Eurasie. Il en est ainsi depuis l'origine de l'État-nation turc. Mais les proportions de cet équilibre ont été déterminées différemment à chaque tournant de l'histoire. Parfois, il était important de faire un pas vers l'Est (comme l'a fait Kemal Ataturk en s'alliant avec Lénine); à d'autres moments, il s'agissait de faire un pas vers l'Ouest.
Dès lors...
Aujourd'hui, la Russie, autrefois rivale géopolitique de la Turquie, et plus encore les autres pôles du monde multipolaire, ne constituent pas une menace pour la souveraineté turque et c'est un fait objectif ; au contraire, les relations privilégiées avec la Russie et la Chine et le compromis avec l'Iran chiite offrent à la Turquie des avantages vitaux dans sa politique étrangère et intérieure. L'Occident, du moins l'Occident libéral et mondialiste, joue contre Erdogan, et donc contre la souveraineté turque. Un homme politique aussi subtil qu'Erdogan ne peut pas ne pas s'en rendre compte. Il est temps de donner à la souveraineté le statut d'idéologie et de consacrer la multipolarité comme vecteur principal de la politique turque.
Ces élections sont cruciales pour la Turquie. La Russie, dans ces circonstances, malgré ce qui peut apparaître à nos yeux comme une incohérence, une hésitation, une politique de "deux pas à gauche, deux pas à droite", a intérêt à ce que la Turquie reste unie, entière, indépendante et souveraine. Cela n'est objectivement possible qu'avec la Russie, et en aucun cas contre elle. Par conséquent, pour la Russie, Erdogan est le meilleur choix dans les circonstances actuelles.
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lundi, 20 mars 2023
Le tournant illibéral d'Israël
Le tournant illibéral d’Israël
par Georges FELTIN-TRACOL
Les gigantesques manifestations qui se déroulent en Israël depuis plusieurs semaines passent inaperçues dans la médiasphère. Les chaînes hexagonales de télévision et de radio ne les rapportent guère. Il faut reconnaître que les certitudes des « troufions de la désinformation » en prennent un sacré coup. Le paradigme démocratique pourrait bien éclater là-bas.
Benyamin Netanyahou est redevenu Premier ministre d’Israël le 29 décembre 2022. Son sixième gouvernement repose sur une alliance hétéroclite de 63 députés sur 120. Si le Likoud reste avec 32 élus le cœur de la coalition, les rapports de force ont d’abord évolué en faveur des habituels alliés de «Bibi». Les partis ultra-orthodoxes séfarade du Shas (11 députés) et du Judaïsme unifié de la Torah (7 élus) exigent une application rapide des accords de gouvernement, à savoir une aide financière massive aux yéchivote (écoles religieuses). Outre l’unique député de Noam (« Plaisir ») qui vient de démissionner d’un gouvernement qu’il juge trop tiède, on compte maintenant des ministres issus d’une incontestable extrême droite avec le Parti sioniste religieux (7 députés) de Bezalel Smotrich et Force juive (6 élus) d’Itamar Ben Gvir.
Outre une intensification de la répression en Cisjordanie occupée avec la destruction systématique des maisons des résistants palestiniens et des menaces répétées contre un Iran proche du seuil nucléaire, la nouvelle coalition parlementaire s’accorde sur la limitation du rôle de la Cour suprême d’Israël. La réforme présentée à la Knesset cherche à soumettre cette institution qui sert à la fois de Conseil constitutionnel, de Conseil d’État et de Cour de cassation, à la souveraineté nationale incarnée par l’assemblée monocamérale israélienne. Le projet de loi porté par le ministre de la Justice Yariv Levin propose que la Knesset puisse déroger aux décisions de la Cour suprême par un vote à la majorité absolue (61 voix). La gauche et le centre-droit modéré n’acceptent pas cette révision audacieuse et le montrent en organisant des journées de protestation dont certaines virent en violentes émeutes.
Le numéro 2 du gouvernement, Aryé Dery, vice-Premier ministre, ministre de la Santé et de l’Intérieur, chef du Shas, a dû démissionner de ses fonctions le 22 janvier dernier. La Cour suprême venait d’invalider sa nomination. Elle rappelle qu’un homme politique condamné pour fraude fiscale ne peut exercer de fonction ministérielle. En échange de son retrait de la vie politique, Aryé Dery avait auparavant bénéficié d’un allégement de sa peine. Inculpé depuis 2019, Benyamin Netanyahou est actuellement en procès pour fraude, corruption et abus de confiance. Ses détracteurs voient dans cette réforme qui enflamme le pays un moyen de contourner un éventuel jugement qui lui retirerait sa fonction de Premier ministre.
Itamar Ben Gvir (photo) et Bezalel Smotrich profitent des circonstances pour avancer dans leur programme. Avec la colonisation de la Palestine, ils suggèrent de simplifier la législation sur la détention, le port d’arme et l’engagement en public. Ils proposent même la peine de mort pour les terroristes. Itamar Ben Gvir a réclamé sans succès l’arrestation et l’incarcération des responsables des manifestations anti-gouvernementales, parmi lesquels maints anciens ministres...
Ces propositions électrisent une société israélienne déjà très politisée. Les courants religieux hassidiques s’élèvent contre la peine capitale. Mais le refus de ces réformes concerne toutes les catégories sociales et toutes les générations. De nombreux militaires, de carrière ou appelés, expriment publiquement leur désaccord et désobéissent ouvertement aux ordres. Idem dans les rangs de la police et des services de sécurité ainsi que chez les entrepreneurs de l’industrie informatique. L’« État profond » israélien réagit très fortement à ces prémices de révolution nationale-populaire conservatrice. Une lutte à mort commence entre les deux camps. De profondes fractures socio-politiques traversent Israël. Certains observateurs parlent de « pré-guerre civile » ou de « guerre civile froide ». D’autres réclament un coup d’État qui destituerait « Bibi », dissoudrait l’actuelle Knesset et interdirait les partis de la coalition.
Par-delà le désir légitime de mettre au pas une justice politisée inféodée aux canons du globalisme, la droite radicale au pouvoir à Tel-Aviv veut arrêter l’impérialisme judiciaire des tribunaux au détriment du gouvernement, du parlement et des citoyens. C’est en 1992 que la Cour suprême d’Israël s’est autorisée à intervenir dans l’action de l’exécutif. L’État hébreu est l’un des rares États au monde à ne pas disposer de constitution écrite, mais de quinze lois fondamentales prises entre 1958 et 2018. Ainsi de 1996 à 2001, au moment des législatives au scrutin proportionnel quasi-intégral, les Israéliens devaient élire au suffrage universel direct leur Premier ministre. Ehud Barak, Ariel Sharon et Benyamin Netanyahou ont bénéficié de cette fugace consécration populaire. L’expérience prime-ministérielle s’interrompt en raison des difficultés majeures à nouer des alliances pérennes à la chambre.
Les chantres de l’« État de droit » croient en l’équilibre harmonieux des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) au sein d’un même ensemble politique. Cette croyance est délétère parce qu’elle offre en pratique une primauté aux magistrats. Le soi-disant « État de droit » est le gouvernement des juges inamovibles et irresponsables. Doit-on rappeler que la Constitution française de la Ve République distingue nettement les pouvoirs exécutif et législatif de l’autorité judiciaire ? L’autorité se subordonne au pouvoir.
À l’exemple inabouti de la Pologne et de la Hongrie, deux démocraties illibérales encore en formation, l’actuel gouvernement israélien souhaite éviter toute ingérence judiciaire dans les affaires de l’État. Or, contrairement à Varsovie et à Budapest, Tel-Aviv n’a pas à subir les formidables pressions et les chantages insupportables de la Commission de Bruxelles. Ce combat nécessaire contre l’hypertrophie interventionniste des juges a enfin une conséquence sur un « droit international » qui tend à abaisser les puissances publiques au niveau des individus et des groupes économiques transnationaux à l’avantage de ces deux derniers.
Les divers conflits depuis la fin de la Guerre froide en ex-Yougoslavie, en Afrique et, aujourd’hui, en Ukraine incitent des juristes cosmopolites, le regard fixé sur les précédents du tribunal de Nuremberg et de la CPI (Cour pénale internationale), à envisager la création d’une juridiction internationale capable de juger les dirigeants politiques. Depuis quand un chef d’État souverain aurait-il des comptes à rendre à des étrangers ? Les appels à la formation d’un tribunal ad hoc se font au moment même où l’on apprend que les contrats de livraison des vaccins anti-covid insistent sur l’immunité des responsables pharmaceutiques et des dirigeants politiques acquéreurs.
Les dirigeants israéliens posent les fondations d’une démarchie charismatique illibérale. Il est donc intéressant qu’une volonté politique souhaite se prémunir d’une justice plus que jamais hors-sol, que ce soit au pied de la colline de Sion que sur les berges de la Seine, de la Vistule ou du Danube.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 65, mise en ligne le 15 mars 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 17 mars 2023
Extraits du programme du mouvement BoerBurger (Pays-Bas)
Extraits du programme du mouvement BoerBurger, hier grand vainqueur des élections néerlandaises
- Il sera interdit aux enseignants de toutes les écoles de diffuser leurs idéologies personnelles parmi les élèves. Il y aura une ligne téléphonique d'urgence où les élèves et les parents pourront signaler tout dérapage.
- Plus d'argent pour la police et les forces de l'ordre.
- La couleur, l'âge, l'origine, l'orientation sexuelle et la religion ne doivent pas avoir d'importance. La discrimination est interdite. Il en va de même pour la discrimination positive. Les personnes qui postulent à un emploi au sein du gouvernement sont jugées sur la base de leur qualité et non sur la base de leur sexe, de leur handicap physique, de leur couleur, de leur orientation sexuelle, de leur religion ou autre. Il n'y aura donc AUCUN quota de femmes, ni aucun quota d'ailleurs, dans les ministères. Le seul quota qui existera sera un quota de qualité : 100 % des employés auront été sélectionnés selon leurs les qualités les meilleures.
- L'attribution des logements sera basée sur l'urgence plutôt que sur l'appartenance ethnique. Cela signifie qu'un groupe de population n'a pas plus ou moins de droit à un logement (abordable) qu'un autre groupe de population, uniquement sur la base de l'origine.
- Les immigrants qui NE viennent PAS d'une zone de guerre ou dont l'existence et celle de leur famille ne sont pas sérieusement menacées doivent pouvoir prouver qu'ils disposent d'un travail et d'un logement permanents aux Pays-Bas. S'ils peuvent le prouver et s'ils maîtrisent bien la langue néerlandaise, ils seront admis. Après avoir contribué pendant cinq ans à la société et à l'économie néerlandaises, ils pourront obtenir un permis de séjour permanent.
- Les demandeurs d'asile qui ne cherchent que la bonne fortune économique et sont sans travail ni revenu ne seront pas admis ou seront expulsés vers leur pays dès que possible.
13:18 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, pays-bas, europe, affaires européennes, boerburgerbeweging, politique, politique internationale | |
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mardi, 14 mars 2023
Beijing gagne la partie de Go (encercler)
Beijing gagne la partie de Go (encercler)
par Antonio de Martini
Source : Antonio de Martini & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-gioco-del-go-accerchiare-lo-vince-pechino
La réouverture des communications entre l'Arabie Saoudite et l'Iran met fin à une ère de domination anglo-américaine dans la zone MENA (Middle East and North Africa) qui a commencé en 1915 avec la création de l'IPC (Iranian Petroleum Company), une société à capitaux publics voulue par Churchill, qui a commencé avec la reconversion de la flotte du charbon au naphte, grâce à la méga-raffinerie d'Abadan.
À la base de toute stratégie, on a toujours vu la tendance - qui avait déjà fait ses preuves sur le continent européen avec l'introduction du concept de "balance of power" qui divisait l'Europe continentale, laquelle est restée une entité unique même après la chute de l'empire occidental - à opposer les différents potentats et à opérer dans une fonction d'arbitrage.
À la rivalité israélo-palestinienne s'est ajoutée la difficile rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite, après que l'effondrement irakien s'est révélé insuffisant pour contrer les Ayatollahs.
Sur la carte, œuvre de Cyrous Ashtari Tafti, les premiers bénéficiaires possibles de la détente sont indiqués : le Liban, avec une élection présidentielle bloquée depuis huit mois et onze tours électoraux restés vains; le Yémen, déchiré par une guerre qui atteint sa onzième année; le Qatar, mis à l'index par les Saoudiens et les Emiratis pour ne pas avoir isolé l'Iran conformément aux décisions des Etats-Unis et de leurs satellites.
L'échange d'ambassadeurs aura lieu dans deux mois, mais les contacts, notamment à Pékin, ont déjà commencé.
Tous deux sont d'infatigables négociateurs mais conscients de l'urgence d'une nouvelle politique énergétique mondiale et unis, ils sont une superpuissance. Divisés, ils ont laissé le marché aux Etats-Unis.
Puis, petit à petit, ils aborderont le super dossier de la guerre syrienne qui les oppose.
Les deux pétro-puissances auront l'opportunité de contrôler les routes du pétrole (du Golfe Persique à Suez), de se partager le marché pétrolier asiatique (avec l'Indonésie), de réduire les allocations de défense et de pouvoir se diversifier en Mésopotamie et au Soudan au lieu d'investir dans les pays anglo-saxons et d'être à la merci de sanctions unilatérales sur la base de valeurs commodes et non partagées. Vous verrez les États-Unis commencer à chercher (à Djibouti ?) une nouvelle base pour la 5e flotte basée à Bahreïn. Trop exposée maintenant.
Celui qui ne dort déjà plus, c'est Netanyahou qui pensait ne pas avoir à se réguler en se déchaînant contre un Iran isolé et qui va se retrouver embarqué dans un Nouvel Ordre Mondial auquel il ne s'attendait pas et qui ne promet rien de bon.
17:44 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chine, iran, arabie saoudite, géopolitique, politique internationale, asie, affaires asiatiques | |
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La Chine est-elle à bout de patience avec les États-Unis?
La Chine est-elle à bout de patience avec les États-Unis?
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2023/03/07/onko-kiinan-karsivallisyys-yhdysvaltojen-suhteen-loppumassa/
Comme le rapporte le Wall Street Journal, le président chinois Xi Jinping s'est montré "inhabituellement franc en critiquant la politique américaine et en imputant à la campagne de répression menée par Washington contre la Chine la responsabilité des récents défis auxquels son pays est confronté".
"L'Occident, dirigé par les États-Unis, a mené une campagne d'isolement, de blocus et de répression contre nous, ce qui a posé des défis sérieux et sans précédent au développement de notre pays", a déclaré M. Xi, selon les médias d'État chinois lundi.
Les commentaires de M. Xi constituent un changement inhabituel pour un dirigeant qui s'est généralement abstenu de critiquer directement les États-Unis dans ses déclarations publiques. D'un autre côté, au cours de son long mandat, M. Xi a fait preuve d'un pessimisme croissant à l'égard des relations entre l'Occident et les grandes puissances de l'Est.
Les accusations selon lesquelles les États-Unis ont étouffé le développement de la Chine au cours des cinq dernières années ont fait partie d'un discours prononcé par M. Xi devant les membres de l'organe consultatif politique suprême de la Chine, la session législative annuelle à Pékin.
Les médias américains estiment qu'en évoquant les États-Unis dans des termes chargés de connotations de l'époque de la guerre froide, le dirigeant chinois poursuit la rhétorique nationaliste que les fonctionnaires de rang inférieur et les médias d'État ont utilisée pour critiquer Washington au cours de ces dernières années.
Selon le président Biden, les États-Unis sont en concurrence avec la Chine, mais ne veulent pas de conflit. Dans le même temps, les tensions bilatérales persistent sur le commerce, la technologie, l'influence géopolitique et l'opération militaire de la Russie en Ukraine.
Bien que l'administration Biden puisse affirmer qu'elle ne veut pas de conflit, la stratégie de sécurité nationale actualisée met l'accent sur la "rivalité historique entre les démocraties et les autocraties", ce qui, avec d'autres déclarations américaines, a été interprété en Chine comme un signe que Washington cherche à remplacer le régime socialiste de Pékin par un régime fantoche pro-occidental.
Comme dans le cas de la Russie et de l'Ukraine, Washington se réjouirait certainement d'une nouvelle guerre par procuration qui attirerait l'attention des médias sur la Chine : il a été suggéré que Taïwan, le Japon ou même l'Australie essaieraient d'être manipulés pour mener une véritable guerre contre la Chine.
Les autorités chinoises ont depuis longtemps mis en garde les États-Unis contre ce que l'on appelle la "pensée de la guerre froide", mais la réponse américaine est que la rhétorique de Xi à l'égard de l'administration Biden commence à prendre des accents similaires.
Le président chinois a semblé faire valoir un point de vue similaire, par exemple, lors de son sommet de novembre avec Joe Biden. À l'époque, M. Xi avait déclaré que "la répression et la retenue ne feront que renforcer la volonté et le moral du peuple chinois".
Les porte-parole officiels du ministère chinois des affaires étrangères, qui s'adressent souvent aux journalistes étrangers sur un ton acerbe lors de réunions d'information régulières, ont utilisé à plusieurs reprises un langage similaire. Selon le nouveau ministre chinois des affaires étrangères, Qin Gang, "le conflit est inévitable si Washington ne change pas d'approche".
Dès le mois d'octobre dernier, Xi a envoyé un message sinistre à ses camarades lors du congrès du parti, déclarant que "les tentatives extérieures de répression et d'endiguement de la Chine pourraient s'intensifier à tout moment". À l'époque, les États-Unis n'avaient pas été mentionnés directement, mais il semble que la patience du régime chinois face aux provocations et à la guerre commerciale soit finalement à bout.
14:28 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chine, états-unis, politique internationale, asie, affaires asiatiques | |
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